Comme l’avait annoncé Inter Film dans un précédent article , son catalogue « Rubans de rêve » s’est enrichi récemment d’une douzaine de titres, auxquels viendront bientôt s’ajouter 8 titres supplémentaires. Ces films, choisis avec soin par les équipes d’Inter Film et de la FCCM (Fédération des ciné-clubs de la Méditerranée) dans le cadre de la Cofécic (Coordination des Fédérations de Ciné-clubs), subventionnée par le CNC qui nous en donne la mission, présentent une sélection de grande qualité de films de patrimoine et de films contemporains à des prix très bas puisqu’ils sont louables à moins de la moitié des prix de location habituels (90€ en DVD, 160€ en DCP).
Nous avions évoqué avec vous les classiques de Preminger, Mankiewicz, Dino Risi qui font désormais partie de ce catalogue, ainsi que certains films modernes et contemporains (Klapisch, Hirota). Nous y avons ajouté d’autres titres de patrimoine (Satyajit ray, Losey, Lang, Renoir) et contemporains (Greenaway, Zhang Yimou, Nakano) dont nous vous invitons à découvrir une brève revue ci-dessous.
Pour plus d’information nous vous invitons à consulter le catalogue « Rubans de rêve » sur le site d’Inter Film.
La règle du jeu, de Jean Renoir, France, 1939
Il serait vain de prétendre présenter ici l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’histoire du cinéma français. Il n’en reste pas moins que le plus grand film de Renoir continue, aujourd’hui comme hier, à frapper par sa modernité, sa fraîcheur, l’impertinence de son ton, l’extraordinaire talent de ses acteurs, l’intelligence de sa vision caustique d’une société française déchirée, dont les valeurs patriarcales s’effondrent, prête à basculer dans la guerre, qui vit avec une nostalgie désuète les derniers instants d’un passé en pleine implosion.
Les bourreaux meurent aussi, de Fritz Lang, États-Unis, 1943
Autre écho d’une société en décomposition, sur un scénario de Bertold Brecht, fuyant lui aussi le nazisme, tout comme Lang, aux États-Unis, Brecht dont ce sera l’unique contribution au cinéma hollywoodien, Les bourreaux meurent aussi est le reflet, sous forme de fiction, de l’une des premières grandes réflexions, en temps réel pourrait-on dire, sur le nazisme et la résistance qui commence à l’époque, tant bien que mal, à s’organiser pour lutter contre le régime allemand.
Le salon de musique, de Satyajit Ray, Inde, 1958
Extraordinaire récit du déclin d’une société, là encore, cette fois de la société de castes indienne, vu à travers l’histoire, organisée en parabole, d’un noble propriétaire terrien du Bengale qui, confronté aux exigences d’une société matérialiste désormais dédiée à l’argent, néglige sa famille et son personnel et se retranche dans son palais en décrépitude pour consacrer sa fortune à sa passion pour la musique classique et la danse. L’un des plus grands films de Ray, qui parvient ici, indépendamment de ses talents de metteur en scène, à joindre à son regard critique sur les problèmes de société de son temps, directement hérité de Renoir, sa sensibilité de musicien qui offre à ce film un lyrisme sombre particulièrement étonnant.
The servant, de Joseph Losey, Grande-Bretagne, 1963
L’un des grands films de Losey, qui déploie ici tout son talent britannique de cinéaste au service d’un regard acerbe sur les déséquilibres d’une société de classe à travers une réflexion fascinante et cruelle sur les rapports inversés de maître à esclave.
Ju Dou, de Zhang Yimou, Chine, 1991
Conte cruel se déroulant dans la Chine des années 1920 et mettant en scène la vengeance d’une femme, brillamment interprétée par la grande Gong Li, et de son amant, sur un mari abusif et violent. L’un des grands films modernes de la nouvelle génération de cinéastes chinoise.
Meurtre dans un jardin anglais, De Peter Greenaway, Grande-Bretagne, 1984
Premier opus de ce qu’on a pu considérer comme la tétralogie de la première période de Greenaway (avec Zoo, Le ventre de l’architecte et Drowning by numbers, qui en constitue l’aboutissement formel), dont la cruauté caustique du scénario est volontairement dissimulée derrière l’illusion d’un film en costumes se déroulant au 17ème siècle, Meurtre dans un jardin anglais est un objet étrange et fascinant dans l’histoire du cinéma britannique, à la fois réflexion sur la puissance des images, thriller décadent et polar décalé, au rythme des bijoux baroques de Purcell et des valses néo-classiques de Michael Nyman.
La famille Asada, de Ryôta Nakano, Japon, 2020
Magnifique réflexion à contre-pied sur le rôle des images, La famille Asada utilise un ton décalé, grinçant et humoristique, pour décrire, à travers le regard d’un photographe, les désirs inassouvis et les extravagances d’une famille japonaise, dans l’ombre du tsunami qui avait ravagé le pays neuf ans auparavant.
Laura, d’Otto Preminger, États-Unis, 1944
Classique absolu du film noir marquant les véritables débuts de Preminger au cinéma, et film culte bénéficiant d’une cinématographie tout en nuances, d’un jeu et d’une direction d’acteurs exceptionnelle (Gene Tierney, Dana Andrews, Clifton Webb, Vincent Price…), c’est une étude psychologique cruelle et acide comme Preminger en aura souvent le secret.
L’aventure de Madame Muir, de Joseph Mankiewicz, États-Unis, 1947
Nous restons avec Gene Tierney avec ce deuxième chef d’œuvre des années 40, quatrième film de Mankiewicz qui signe là l’une de ses plus belles réussites, parfaitement épurée dans la simplicité trompeuse et rusée de son scénario.
Une vie difficile, de Dino Risi, Italie, 1961
Sommet de la comédie italienne des années 60, Risi retrace dans Une vie difficile vingt années tourmentées de l’histoire contemporaine de l’Italie à travers le regard intimiste d’un personnage plein d’espoirs et d’illusions merveilleusement incarné par le génial Alberto Sordi.
The servant, de Joseph Losey, Grande-Bretagne, 1963
Palme d’or 1971, resté très longtemps invisible en salle, c’est l’un des chefs d’œuvre de Losey, dont l’esthétique léchée sert de cadre idyllique et trompeuse à une histoire déchirante, sur une musique particulièrement réussie de Michel Legrand.
Un air de famille, de Cédric Klapisch, France, 1996
Servi par une belle mise en scène de Klapisch et une pléthore d’excellents acteurs, Un air de famille reste l’une des plus grandes réussites scénaristiques du couple Jaoui/Bacri. Cruelle et pétillante, c’est indéniablement l’une des meilleures comédies françaises des années 90, à voir et à revoir.
De l’autre côté du ciel, de Yusuke Hirota, Japon, 2020
Magnifique film d’animation japonais, c’est l’une des grandes réussites récentes de ce marché désormais quelque peu saturé, un très beau conte écologique et rêveur, intelligent et inventif, qui convient également à un jeune public.
Cinéphilement vôtre,
Fabrice Bertrand