Archives pour la catégorie « L’ombre d’un doute »

Le Prix Louis-Delluc 2019 décerné à Jeanne de Bruno Dumont

Présenté au Festival de Cannes 2019 où il a reçu une Mention spéciale dans la section Un Certain Regard, Jeanne de Bruno Dumont a reçu ce lundi 10 décembre le Prix Louis-Delluc 2019. « Bruno Dumont a su mettre en images un magnifique texte de (Charles) Péguy. Il était déjà un grand cinéaste. Il entre cette fois-ci dans la famille du Delluc », a déclaré Gilles Jacob, le président du jury, en annonçant la nouvelle au Fouquet’s.

Jeanne était en lice face à sept films, parmi lesquels Grâce à Dieu de François Ozon, Synonymes de Nadav Lapid ou encore L’Adieu à la nuit d’André Téchiné. « Je suis très touché. Me voir ainsi associé à Louis Delluc est un honneur. Je suis un enfant du cinéma français et de ce cinéma-là, celui de mes maîtres, particulièrement », a confié Bruno Dumont joint par téléphone depuis l’Allemagne, où il est en tournage.

« Le regard de Charles » de Marc Di Domenico

Ce n’est pas une hagiographie musicale que vous découvrirez, c’est un objet filmique vraiment intéressant.

Montrer l’envie de Charles Aznavour de découvrir le monde, sa passion de la vie et l’envie rageuse d’y arriver, c’est le grand intérêt de ce montage. Rappelons que les commentaires lus par Romain Duris sont les propos même du chanteur. Plus extraordinaire est le fait même de l’existence de tous ces films personnels à vrai dire.

Un choix intelligent, images et textes, a été fait pour illustrer sa vie privée. Commentaires sincères et profonds sur ses vies de couples et sur ses enfants, images parfois comme des flash-back intérieurs, comme si les souvenirs s’affichaient directement de l’esprit à l’écran.

Mais le film ne se résume pas à cet aspect.

Charles Aznavour, d’ailleurs venu et ailleurs allé. Et les sujets filmés retiennent une attention sociétale, quasi politique même. Aznavour n’a de cesse de s’émerveiller marche à marche de sa propre ascension têtue, et parallèlement, de capturer par ses images des vies semblables à celle de ses parents. Mais en réalité il filme sa propre vie, celle de sa réussite, et la vie des autres qui aurait en fait été la sienne, celle qui lui était en fait destinée sans son talent et sa détermination.

« Dans le regard de Charles » est peut-être le dernier film engagé. Ce propos est trop fort, oui c’est vrai, mais ça m’est égal, c’est l’état esprit dans lequel je suis sortie de la salle, c’est mon avis…et je le partage donc !

Céline Recchia

Ad Astra

Je suis un terrien et j’aime le concret. Me projeter – voire me faire projeter- dans le futur ce n’est pas mon trip !
Brad Pitt est certes émouvant à la recherche de son papounet et/ou à la quête de l’infini et/ou à la recherche d’un autre monde. Pour ma part je trouve que ces thèmes sont mieux traités lorsque l’on est dans la « réalité réelle » ou quand l’on reste les pieds sur terre. Je ne me suis pas ennuyé mais vous l’aurez compris… je n’aime pas la science fiction.

« Jeanne », un film de B. Dumont – par Jean-Pierre Sueur, Sénateur du Loiret, ancien maire d’Orléans

Voici ce que Jean-Pierre Sueur publie sur son site :

Gloire soit rendue au Cinéma des Carmes qui est le seul à Orléans et dans le Loiret à programmer le très remarquable film de Bruno Dumont intitulé sobrement Jeanne !

On pourrait imaginer, ou rêver, qu’à Orléans, ville johannique s’il en est, chacun se presserait pour proposer ou admirer ce film sur un thème « rebattu », mais qui « supporte les traitements les plus différents sans l’affadir » comme l’écrit Jean-François Julliard dans Le Canard Enchaîné – journal rétif aux bondieuseries ! –, qui ajoute : « Souvent même, il élève ceux qui s’en emparent, de Dreyer à Rivette, en passant par Bresson et même Luc Besson ! La couleur bizarre et décalée que lui donne Bruno Dumont en fait d’autant mieux ressortir la grandeur déconcertante. »
Il ne faut pas rechercher dans ce film ni l’authenticité des décors, ni la reconstitution minutieuse et pittoresque du passé. Nous sommes dans les dunes du Nord. Il y a de longs temps de méditation et d’attente, rythmée par une musique douce, lancinante, étrange.

Et il y a, plus réelle que la réalité même, la force du procès de Jeanne, qui se déroule dans l’admirable cathédrale d’Amiens, somptueusement filmée, avec ses juges caricaturaux plus vrais que vrais, et Jeanne, jouée par une comédienne de onze ans, Lise Leplat Prudhomme qui, toute seule, toute droite, inflexible, offre une image sublime du droit et de la justice – une image qui transcende toutes les bassesses.

Jean-Pierre Sueur

IL ETAIT UNE FOIS A HOLLYWOOD

Certainement le film le plus personnel de Quentin Tarantino qui nous propose un voyage en 1969. Aucune faute de goût dans la reconstitution assez bluffante et très référencée. Le duo Brad Pitt / Leonardo Di Caprio (le premier étant la doublure d’un acteur de films de genre sur le déclin) fonctionne très bien, dommage simplement qu’on ne les voient jamais « travailler » ensemble. Tarantino rend aussi hommage au spectateur qu’il a été, à travers les yeux de Sharon Tate, qui découvre son petit succès dans une salle de cinéma. Certes le film est un peu long mais il y a un bon casting et beaucoup de matière et quelques scènes très fortes dont l’arrivée de Brad Pitt dans le ranch tenu par la secte de hippies ou celle dans laquelle Di Caprio confie son désarroi à sa très jeune partenaire. Le final a pu en surprendre plus d’un mais on y reconnait la signature d’un metteur en scène habile qui se joue de l’histoire avec un grand H. Car Il était une fois à Hollywood célèbre avant tout « la manière de faire » d’un metteur en scène qui revisite le cinéma de genre et le western italien en particulier. Aucune nostalgie mais plutôt une sorte de relecture du passé , très bien mise en scène et savamment orchestrée par une BO très pointue et immersive. Michel Senna

«Dans un jardin qu’on dirait éternel» de Tatsushi Omori

En mai 2019, nous avions publié la critique d’un film diffusé dans le cadre des « Saisons Hanabi ».  Ce film est désormais sorti en salle, belle occasion de retourner au cinéma. Nous republions la critique ci-dessous :

 » Tout près du Ciné Saint-Leu d’Amiens, L’homme sur sa bouée retrouvera sa place ce 24 mai, puisque, à la suite de sa restauration, la sculpture sera réinstallée, « flottant » sur la Somme qui suit son cours au cœur de ce quartier : Reportage France 3 Regions

Au Ciné Saint-Leu, comme dans de nombreuses salles en France – Les saisons Hanabi  se déroulaient ce samedi : http://www.hanabi.community/evenements/

Dans un jardin qu’on dirait éternel  était le film de jour. Et dans l’archipel japonais, comme symbole d’un apaisement, un homme se tient debout entouré d’eau (ici la mer), de fait, voir cette scène dans ce cinéma d’Amiens devenait une excellente coïncidence !

Le sujet du film est avant tout la vacuité des existences que les sociétés cherchent à combler contre les appétences de chacun. Et comment deux jeunes filles en fin d’étude, Noriko et Michiko, aux tempéraments et aux sensibilités différentes, vont, au fur et à mesure de leur apprentissage de l’art de la cérémonie du thé, se révéler et choisir leurs voies. Pour Michico ce sera celle des injonctions sociétales, tant professionnelles que maritales, pour Noriko, que l’on dit maladroite et moins déterminée, celle d’un lent accomplissement, une réponse à tous les questionnements, au gré des cycles des saisons.

Adaptation du roman de Noriko Morishita, rien d’étonnant dans le déroulé de ce film, ni vraiment dans la forme. Mais on apprécie le parti pris d’une narration où une jeune femme se révèle pudiquement à nous, se découvrant elle-même, dans l’exploration de strates de plus en plus sensibles. La « présence » de La Strada de Fellini en témoigne. Certes l’aura qui entoure ici la cérémonie du thé n’est peut-être pas aussi envoûtante pour nous que pour les japonais, mais peu importe le véhicule puisqu’il chemine vers l’harmonie de l’héroïne.

Céline Recchia  » (Mai 2019)