Quelle bonne surprise que ce film historique qui surprend d’emblée par sa narration, son rythme et son point de vue. Le capitaine Alfred Dreyfus, accusé de trahison avec l’ennemi, jugé coupable et déporté, incarné par Louis Garrel, n’apparait que très peu. Le point de vue est celui de Picquart, un officier de l’armée qui, après avoir chargé Dreyfus, se rend compte de façon fortuite de son innocence. Ce dernier n’aura dès lors de cesse de faire éclater la vérité, honneur de l’armée oblige. Si le casting est très convaincant – Emmanuelle Seigner en maîtresse compatissante entraînée dans la tourmente, Matthieu Amalric en graphologue infatué, reconnaissons que Jean Dujardin, presque de tous les plans du film, incarne avec brio ce militaire un peu sec et franc-tireur qui se retrouve en danger, à vouloir faire triompher la vérité. Ajoutons à cela une mise en scène de Roman Polanski qui évite l’emphase et qui créé une atmosphère suffocante, avec un sens du détail qui demeure sa marque de fabrique. Sa reconstitution d’un Paris sombre, feutré et enfumé est au cordeau. N’étant pas un spécialiste de L’affaire Dreyfus, il me semble néanmoins que ce film didactique, même s’il doit prendre des raccourcis avec l’Histoire , parvient à capturer un état d’esprit où l’intolérance prédominait dans la société française. Le happy end final est également teinté d’amertume. Une fois réhabilité, Dreyfus continuera à être victime d’injustices quant à son avancement dans l’armée. « J’accuse » est une œuvre classique et rigoureuse qui, au-delà des polémiques, mérite amplement le détour. Michel Senna
