« le cinéma, c’est pour apprendre a aimer la vie et les autres »
André Techiné
Commentaires des films qu’ils ont vus, des livres qu’ils ont lus…
« Jeune Juliette » de Anne Emond par Céline Recchia
« Charles Pathé et Léon Gaumont, deux prétendants un empire » d’Emmanuelle Nobécourt et Gaëlle Royer par Céline Recchia
« Péplum : gladiateur, glaive et fantasmes » de Jérôme Korkikian, par Céline Recchia
« Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes » de Gene Wilder (et clin d’œil à « La rose rouge »), par Céline Recchia
NOËL-NOËL : »Radio ciné-club – Noël-Noël, la vie d’un comédien », par Céline Recchia
« Faites sauter la banque » – Jean Girault, par Céline Recchia
Melville, le dernier des Samouraï – Cyril Leuthy, par Céline Recchia
Michel Simon – Mardis du cinéma – France culture. par Céline Recchia
Le Chat – Simenon – P.Granier-Deferre – par Céline Recchia
Le Mans, le Nord, Conan : connexions improbables. Et pourtant… par Céline Recchia
La vie en gris et rose – Takeshi Kitano, par Céline Recchia
Haute Société – Charles Walters (1956), par Michel Senna
Les trésors de Marcel Pagnol – Fabien Béziat, par Céline Recchia
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« JEUNE JULIETTE » DE ANNE EMOND DISPONIBLE SUR : https://www.cinemaquebecois.fr/film/jeune-juliette/

L’ouverture du site «cinemaquebecois.fr» me donne l’occasion de revenir sur un film sur lequel je n’avais pas donné mon avis en son temps. Vous lirez pourquoi ci-après. Ensuite, j’en attendais la sortie DVD, et puis, la crise sanitaire nous a tous arrêté…ce billet vous parle aussi d’un temps où l’on allait encore grignoter chez le traiteur vietnamien le midi…
« Jeune Juliette » de Anne Emond
par Céline Recchia, début mars 2020 *
Non vous ne rêvez pas, le film est bien sorti depuis décembre 2019.
Et je me suis bêtement dit que, ayant été touché dans un aspect personnel par ce film, comme beaucoup d’autres personnes d’ailleurs, je n’en ferai pas un retour de sinon cinéphilique au moins celui du « strict spectateur »…position particulièrement compliquée au demeurant !
Mais, ce midi *, une jeune fille déjeunait comme moi chez le traiteur vietnamien à côté du bureau, et je passais mon temps à me dire « Mais bon sang, on dirait Léane ! » – Léane étant la meilleure amie de Juliette.
Car en fait je repense depuis toutes ces semaines au film, mais bien au film, sans affect, à sa drôlerie, à ses jeunes, et aux adultes aussi, bref à cette réussite à l’écran, dans la forme et dans l’interprétation.
De retour sur internet pour en retrouver l’ambiance grâce à la bande annonce, je suis tombée sur un très intéressant entretien sur le site « Le Polyester » où Anne Emond, la réalisatrice du film, confie s’être inspiré de sa propre adolescence. Mais, et on aime le cinéma aussi pour ça, « Jeune Juliette » lui a permis de recréer sous de meilleures auspices cette période qui fut ingrate dans sa vie.
Comme il a été si bien dit dans d’autres critiques : Juliette ne s’excuse pas d’exister, de toute façon ce sont les autres qui sont des cons !
Car Juliette a une répartie redoutable, est cultivée et très bonne élève. Anne Emond n’en fait ni une victime ni un ange. Elle a placé Juliette dans une famille stable malgré le divorce des parents, et montre un entourage familial aimant, et de plus, comme elle dit encore dans cet entretien, ici la fille grosse est le sujet central du film, et non pas l’éternelle bonne copine au comportement irréprochable. Son récit du casting montre la subtilité de l’approche.
Ainsi, elle nous emmène sur d’autres chemins. Je ne partage pas du tout les avis négatifs sur un film de sous-catégorie du teen movie, pas du tout. Je le mettais pour ma part au niveau de « L’Effrontée » Claude Miller, et Anne Emond le cite en référence !
Je crois que les films sur la jeunesse, lorsqu’ils sont traités sérieusement, dans une tonalité drôle comme dans une tonalité dramatique, méritent toujours d’être vu, car, ancrés dans leurs époques ils donnent à voir les injustices, les complexités, les aspirations aussi, des jeunes au seuil de leur(s) future(s) vie(s).
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« CHARLES PATHE ET LEON GAUMONT, DEUX PRETENDANTS UN EMPIRE »
d’Emmanuelle Nobécourt et Gaëlle Royer
Replay TV5 Monde Ici

par Céline Recchia
Il serait difficile de tenter un résumé de cette épopée, car il s’agit véritablement de cela. Le surpassement de l’un vis à vis de l’autre a poussé ces deux hommes ambitieux au sommet, et ils ont su aussi s’attacher les bonnes personnes à leurs côtés (Alice Guy, Louis Feuillade) et en entraîner bien d’autres dans leurs aventures (tels Georges Méliès, Max Linder, Abel Gance, …)
Une foule d’innovation technologiques sont présentées, tant pour les procédés de l’image et du son, que pour les projections – depuis les débuts lors des projections foraines jusqu’à la construction du Gaumont Palace.
Mais mesure-t-on vraiment à quel point ils étaient visionnaires ? Mesure-t-on leur importance pour la naissance d’une véritable industrie cinématographique aux Etats-Unis ? Cet excellent documentaire vous permettra de vous en rendre compte.
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« Péplum : gladiateur, glaive et fantasmes »
de Jérôme Korkikian
Replay Arte.tv Ici
par Céline Recchia
An 2000 : « Alors moi tu vois, des mecs en jupe qui s’battent avec des cures dents non merci ! ». Voilà la réaction d’un copain lorsque je lui ai dit que je prévoyais d’aller voir « Gladiator » de Ridley Scott… Heureusement la critique dithyrambique du Canard Enchaîné à elle achevé de me convaincre ! Je peux donc témoigner que l’époque n’était pas favorable au retour du péplum, ce que le documentaire « Péplum : gladiateur, glaive et fantasmes » nous expose fort bien.
On y analyse notamment l’utilisation politique en Amérique des grands thèmes et des héros de l’antiquité sur fond de guerre froide, et l’approche du genre différente selon les conceptions italiennes ou américaines. Cependant les américains ont beaucoup tourné à Cinnecittà – pour une question de coût – ce qui a permis aux Italiens de reprendre des productions sur ces thèmes. La question des moyens fait, il est vrai, une différence, mais l’appropriation historique par les spectateurs d’Italie a orienté évidemment le choix des thèmes.
Cependant les productions américaines ne bénéficiaient pas toutes d’un flot d’argent ininterrompu : comme pour faire suite à mon papier sur la découverte de Robert Ervin Howard, auteur de « Conan le Barbare », on narre justement ici l’histoire malheureuse de cette adaptation, tombée dans l’escarcelle d’un producteur radin.
Le documentaire rappelle que le genre est traité au cinéma depuis 1910 et nous emmène donc à la découverte de cette histoire, de manière didactique et amusante.
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« Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes » de Gene Wilder
Rattrapage encore possible en VàD sur Arte.tv
(et clin d’oeil à « La Rose Rouge »)
par Céline Recchia
En décembre dernier le groupe de programmation de notre Ciné-quartier Mouton Duvernet avait porté son choix sur « Les producteurs » de Mél Brooks, moment qui a été donné à beaucoup de redécouvrir Gene Wilder.
Aussi, nous avons été quelques-uns à guetter la diffusion d’une de ses réalisations sur Arte, où il tient l’un des rôles principaux : « Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes« .
Une impression Monthy Phytonesque m’a largement interpellée. Je me suis s’interrogée sur l’influence des uns vis à vis des autres, notamment par rapport au « Sens de la Vie » lorsque j’ai vu de la scène où le bras droit de Moriarty s’empiffre à ses côtés, « Sens de la vie » qui sera tourné en 1983 (« Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes » en 1975)…mais là, je laisse les spécialistes se prononcer. Redécouvrez Marty Feldman, qui oeuvra d’ailleurs à la télévision britannique, notamment auprès des futurs Monthy Python.
France 2 a rediffusé, et grand bien lui en a pris, « Un éléphant ça trompe énormément » d’Yves Robert.
Quel rapport avec Gene Wilder me direz-vous, et bien une autre influence, mais celle-là totalement avérée : Gene Wilder a commis le remake américain « La fille en rouge« . A priori, les avis sont partagés, et il est vrai qu’à voir la bande annonce sur le net il n’y a pas forte différence…mais peut-importe je cite cela pour l’anecdote.
En tous cas « Le Frère le plus futé de Sherlock Holmes » est à voir. La scène de la confession a du faire envie à notre très regretté Jean-Pierre Mocky… à voir on vous dit…!
Retrouvez sur le site CINECOMEDIES un hommage à Gene Wilder, avec un témoignage de Pierre Richard lui-même en 1977.
D’AILLEURS EN PARLANT D’YVES ROBERT…
Revu Yves Robert tout jeune acteur dans « La Rose rouge » de Marcel Pagliero

En fait l’idée pour moi était de revoir les mises en scènes des chansons des Frères Jacques, qui sont, elles, excellentes. « La rose rouge » cabaret de la rive gauche où, comme dans le film, Yves Robert et les Frères Jacques se sont produits. Un film foutraque, de très bonne idées, pas très bien exploitées, mais on se fait plaisir en retrouvant Dora Doll, et Françoise Arnoul toute jeunette et pin-up ! Plaisir de retrouver une distribution composée de vedettes en devenir. Un témoignage très sympathique.
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NOËL-NOËL
France Culture
Radio ciné-club – Noël-Noël, la vie d’un comédien
(1ère diffusion : 02/03/1948 Chaîne Nationale)
par Céline Recchia

Bon, contrairement à ce que mon programme télé a publié, il n’y a pas eu hier de diffusion de tous les films cités dans le papier précédent…ça la fiche bien…! Au gré de la consultation internet pour tenter de me mettre à jour, je vois que Paris Première diffusera « Les vieux de la vieille » ce 07 avril. Mais ce n’est pas pour parler de ce film, qui ne m’a pas laissé de souvenirs très marquants, que je dépose quelques lignes sur le site, mais parce que je me suis rendu compte que Noël-Noël figurait au générique.
J’avais écouté il y a peu une courte émission radiophonique de 1948 14 minutes qui vous ferons retrouver ce comédien, peu connu aujourd’hui. Vous y entendrez un petit vrai petit bonheur suranné, sa chanson « Le Chapeau neuf« .
Dessinateur, chansonnier, musicien, scénariste, dialoguiste, adaptateur, carrière complète que vous trouverez facilement sur le net, et acteur bien sûr. Pour ma part, deux rôles en mémoire : « Les casse-pieds » de Jean Dreville (prix Louis-Delluc), et sa prestation parmi un casting pléthorique dans « Les petits matins » (ou « Mademoiselle Stop« ) de Jacqueline Audry, film qui montre les appétences de ces messieurs à la rencontre d’une jolie jeune fille…
Voilà, une toute petite contribution à la mémoire de Noël-Noël.
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Beaucoup de choix ce soir, mais pour vous détendre :
« FAITES SAUTER LA BANQUE » !
par Céline Recchia

Ce dimanche le choix des films est assez conséquent : « Au revoir là-haut », « La veuve Couderc », un documentaire sur Simone Signoret, « Cessez le feu », « L’auberge espagnole » etc… et même le théâtre avec « L’Avare » à la Comédie Française.
Cependant, à l’attention de ceux qui ont seulement envie de se changer les idées grâce à une pochade, vous êtes sauvés ! En effet Paris Première diffuse « FAITES SAUTER LA BANQUE » !
Comme l’indique « le Tulard » cette comédie « provoque les rires d’un public bon enfant » (…) « de Funès en tête, il y a un bande de joyeux lurons pour animer cette pochade« .
Sans prétention, et très bien mené, moi je pense qu’il faut sauter dessus !
Car effectivement la famille de Victor Garnier – Louis de Funès – se soude dans ce projet délirant : creuser un tunnel pour s’emparer des lingots dans le sous-sol de la banque d’en face, banque qui a ruiné cette famille d’honnêtes commerçants. Le banquier : Jean-Pierre Marielle, le policier : Georges Wilson !
Pour creuser ( ! ) trouvez sur le net, ce site « Le Monde des Avengers » où sont publiés des avis et des détails film par film dans une « Saga Louis de Funes«
« Faites sauter la banque » est le troisième sur cette page
Pour prendre la saga au début c’est ici
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» Melville, le dernier samouraï «
par Céline Recchia
Arte.tv
Lien vers le documentaire

« TU ES LE SEUL CAS DE RÉUSSITE PAR L’INTRANSIGEANCE QUE JE CONNAISSE » *
Le documentaire s’ouvre sur Melville faisant l’obscurité dans sa pièce de travail. Le loup solitaire dans sa tanière qui crée en dehors du système, et dont le carnet d’éclaireur portait en tête ces mots écrit de sa main à 11 ans : TOUT DROIT.
Avant Jean-Pierre « Melville », il y a Jean-Pierre Grumbach, qui à la mort de son père est pris d’une véritable ivresse de cinéma, « moins de cinq films par jour et il est en manque ». Il décide alors de devenir cinéaste. Il dresse une liste de 63 cinéastes qui comptent pour lui, tous américains. Et on le sait, des décennies plus tard c’est lui qui comptera pour des générations de cinéastes américains !
La seconde guerre mondiale éclate, Jean-Pierre Grumbach est mobilisé, il combat à Dunkerque et fait partie des 340 000 soldats évacués vers l’Angleterre. Le commentaire indique que « le dépassement de soi, l’amitié, le sens de l’honneur qu’il a vu dans les westerns, il les rencontre sous le feu des balles ». En 1940, il rejoint son frère à Marseille, Jacques Grumbach, proche de Léon Blum et résistant. Jean-Pierre le suit. Durant deux ans il sera agent de liaison, et décide comme son frère de rejoindre le Général de Gaulle à Londres. Son frère n’atteindra jamais l’Angleterre. A Londres naît de Jean-Pierre « Melville ».
« ON DEVIENT VITE UN COMBATTANT, MAIS ON NE CESSE PAS FACILEMENT DE L’ETRE »
Après-guerre, Jean-Pierre Melville entreprend d’adapter un des romans phares de la période d’occupation « Le Silence de la Mer » de Vercors. Jean Bruller, résistant alias Vercors refuse la demande, mais Jean-Pierre Melville le tourne quand même ! Les difficultés pleuvent, mais n’est-ce pas lui qui dira « Je crois que le premier film doit être fait avec son sang » ? Il fabrique son film comme il le peut, mais il le fait. Volker Schlöndorff témoigne non pas du souhait de Melville de révolutionner les façons de faire, mais de pallier tout simplement aux contraintes économiques. La Nouvelle Vague se reconnaîtra dans cette méthode. Bien que touché par cette reconnaissance de la jeune garde du cinéma, car Jean-Pierre Melville se démarquant s’était mis à dos une partie de la profession, il s’éloignera aussi de la Nouvelle Vague pour ne pas « faire partie d’une école, d’une secte ou d’une religion ».
Devant l’hostilité de la profession, il décide d’investir dans l’aménagement d’un studio rue Jenner, dans le 13ème arrondissement de Paris. Il vit au-dessus de ce studio, mais ce studio devient en fait sa vie. C’est sa femme Florence qui gérera le lieu, tous deux sacrifient une potentielle vie familiale. Volker Schlöndorff le dit, « aucun d’entre nous n’est allé aussi loin ».
A « Jenner » il plonge dans l’univers américain. La culture et les paysages d’outre atlantique l’attirent. Il tourne « Deux hommes dans Manhattan » et finit le film par trois semaines de tournages aux USA. Melville est victime de son premier infarctus, le mal récurrent des hommes de sa famille. Malheureusement le film est un échec commercial.
Il dit avoir beaucoup réfléchit sur l’échec, et qu’il ne l’accepterait pas à nouveau. Le choix du sujet du prochain film se porte sur « Léon Morin, prêtre », roman de Béatrix Beck. Certes il y a la notoriété du prix Goncourt, une belle affiche : Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva, mais le pari était osé de choisir Jean-Paul Belmondo dans ce rôle, et le choix du réalisateur est concluant.
Melville considérant le genre policier à la hauteur de toute autre littérature, il envisage l’adaptation du « Doulos » de Pierre Lesou, qu’il transcende. La presse qualifie le film de « premier polar métaphysique ». Melville dira de son film qu’il est « une sorte de documentaire sur le mensonge ».
On voit dans ce documentaire combien était forte l’influence du cinéma américain. Mais Melville s’éloigne donc des codes du polar. Le film qui le symbolise le mieux : « Le Samouraï ». Melville solitaire comme le Samouraï, Alain Delon le catalyseur de sa création.
UN INCENDIE A RAISON DU STUDIO DE LA RUE JENNER.
C’est le deuxième infarctus de Melville.
Il continuera à tourner malgré tout. S’ensuivra même une frénésie de tournages, quatre films en cinq ans. Pour celui qui aimait avant tout créer en reclus dans l’obscurité les tournages s’avère en fait pénible : « se lever, voir le jour et être toute la journée avec cinquante personnes autour de lui, ce qu’il ne supportait pas » dixit Bernard Stora, cinéaste, ancien assistant de Melville qui poursuit « parler de tensions sur les plateaux de Melville est un euphémisme »…Volker Schlöndorff parle même de sadisme, car dit-il « Il était maître de l’expression mais pas de ses émotions ». Cette tension est cause de fâcheries : Jean-Paul Belmondo part avant le fin du tournage de « L’Aîné des Ferchaux », Simone Signoret ne lui parlera plus pendant cinq ans, Lino Ventura à propos du tournage du « Deuxième souffle » déclare « Un film comme ça ne se fait pas impunément, il faut le payer »…Durant le tournage de « L’Armée des ombres » Lino Ventura et Jean-Pierre Melville finiront par communiquer par l’intermédiaire d’un assistant…
Même avec Alain Delon les choses finiront par se dégrader. Durant le tournage d’« Un Flic » Melville sait qu’Alain Delon se prépare à tourner avec un autre réalisateur. Là aussi l’amitié se rompt une fois l’œuvre achevée.
Mais on voit Alain Delon complétement déstabilisé, lorsqu’il reçoit les journalistes chez lui à la suite de l’annonce du décès de Melville. Car le troisième infarctus survenu lui a été fatal. Il l’emporte, comme il a emporté son père et son grand-père, à 55 ans…
Heureusement qu’il est allé tout droit, au cœur du cinéma.
* Melville cite les propos que lui a tenus un ami sans préciser son nom.
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Michel Simon
Les Nuits de France Culture
Mardis du cinéma – 1985
par Céline Recchia

Excellente émission de 1985, rediffusée ce mardi 1er avril et disponible en podcast
La difficulté et la beauté de la vie sont exposés tout au long de cette heure et demi. Gloire, oubli, tendresse, cruauté. Tout d’abord le journaliste ayant recueilli la dernière interview de Michel Simon ouvre le bal en nous témoignant du « saccage » de sa maison après sa mort. Ironie du sort, on nomme « Clos Michel Simon » cet endroit où se sont élevées par la suite de luxueuses maisons…Jean-Pierre Mocky relate que trois personnes accompagnaient les funérailles de l’acteur, Marcel Carné, Michel Serrault et lui-même. Il parlera de la « haine du public » ressentie sur le moment, en voyant ainsi partir quasi seul l’un des grands.
Erotomane, amateur d’art, monstre sacré, monstre tout court, attentif, respectueux, telles sont les impressions recueillies.
Son respect de la vie animale, depuis que, jeune fils de charcutier, son père l’envoi travailler aux abattoirs, où il se bat à coups de marteau contre les bouchers !…jusqu’à sa loge de théâtre où il nourrira des blattes !
Michel Simon, un être qui ne cessera d’être révolté.
D’ailleurs Jean Renoir affirme que le rôle de « Boudu, sauvé des eaux » lui correspondait réellement, tant et si bien que le public lui-même était partagé entre séduction et fureur. La révolte encore : on apprend par exemple que, n’ayant pu échapper au service militaire de son pays, la Suisse, ce jeune pacifiste a profité d’une faille du règlement qui ne précisait rien sur la rigueur des coupes de cheveux et de barbe. Il a donc passé tout le service sans que cette pilosité ne soit atteinte ! Le spectacle d’un jeune militaire enfilant son képi sur une chevelure abondante et à la barbe descendante sur son veston d’uniforme était…poilant ! Cheveux et barbe qui bien des années plus tard lui créeront bien des soucis, en fait à la suite d’une teinture très toxique effectuée pour les besoins d’un film qui lui a provoqué de graves problèmes de santé.
Tous et toutes, dont Arletty et Françoise Seigner témoignent de son grand professionnalisme et de sa considération à l’égard de ses collègues comédiens. Mais on situe aussi l’acteur dans les méandres de ses complexes, de façon générale, et vis-à-vis des autres fortes personnalités du cinéma. L’exemple de sa rivalité avec Louis Jouvet dans « Drôle de drame » donne à entendre que le champagne a fortement détendu l’atmosphère… !
Daniel Gélin, son partenaire dans « Un ami viendra ce soir » témoigne de son inexplicable façon de jouer. Autant dit-il, pour Raimu, Gabin, Fresnay, Harry Baur avec qui il avait joué « on pouvait expliquer la façon dont s’était fait » autant avec Michel Simon, et particulièrement dans ce rôle où il jouait un aliéné, mais sans emphase, sans folie sur-jouée, Daniel Gélin s’interrogeait ouvertement sur sa schizophrénie ! Génie et monstruosité.
Michel Simon, soutien à la jeune création. On évoque le soutien sans faille qu’il a donné à Jean Vigo pour qu’il parvienne à tourner « L’Atalante ». Jean-Pierre Mocky témoignera plus loin – car l’émission suit chronologiquement la carrière de l’acteur – du respect de certains jeunes réalisateurs à son égard, sachant ce que l’acteur avait fait pour aider les nouveaux réalisateurs, dont il était curieux. « Aider ceux que la société rejette, permettre que les choses se fassent ».
« Panique » de Julien Duvivier lui amènera le rôle de l’incompris, lynché par la foule parce qu’incompris…L’incompréhension encore lorsque l’acteur voit « Panique » tout comme «Non Coupable» refusés à Cannes parce que ne correspondant pas à l’esprit du Festival, quand ces deux films étaient salués à l’étranger.
Des archives dont certaines rares, de ses prestations au théâtre notamment, des témoignages sincères, un être à part, bref, une émission réussie.
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ALBERT UDERZO S’EN EST ALLÉ
par Michel Senna

Avec le décès ce mois-ci du dessinateur Albert Uderzo, c’est une page du monde de la bande-dessinée qui se tourne.
Le dessinateur et co-créateur des aventures d’Astérix et Obélix, irréductibles gaulois qui résistaient face à l’oppresseur romain, aura marqué, de son coup de crayon, les grandes années de l’hebdomadaire Pilote et aura formé avec René Goscinny un tandem complémentaire parfait.
Retour sur le parcours d’un artisan de la BD, indissociable de ses deux héros qu’il a dessiné sans interruption ou presque durant plus de 50 ans.
Albert Uderzo fait preuve de grande aptitude au dessin dès son plus jeune âge. Il ne débutera vraiment qu’après la guerre dans un studio d’animation, puis multiplie les piges comme illustrateur de romans ou dans les journaux. Il crée ses premiers personnages dans la revue Ok. Il travaille étroitement avec le scénariste Jean-Michel Charlier sur la série Belloy, et rencontre en 1951 René Goscinny avec lequel il partage le même goût pour un sens du burlesque hérité de leur passion pour Laurel et Hardy et Walt Disney. En 1957, ils créent ensemble le personnage d’Oumpah-Pah, travaillent tous deux au journal de Tintin puis en 1959 co-fondent le journal Pilote.
Commence alors la saga d’un personnage pittoresque évoluant à l’époque romaine : Astérix.
C’est le 29 octobre 1959 que débute « Astérix le gaulois », la première aventure, un rien fantastique d’Astérix et d’Obélix. Les deux auteurs créent un univers cohérent au fur et à mesure des histoires. Le succès immédiat contraint bientôt Uderzo à abandonner toutes ses autres séries et à se consacrer exclusivement à son duo de choc. Goscinny, lui, continuera de travailler pour d’autres dessinateurs dont Gotlib et Morris (Lucky Luke).
Uderzo affine son trait, d’album en album, et crée de nombreux personnages avec des nez généreux, une marque de fabrique du dessinateur. Idéfix, un chien trouvé sur les routes de Gaule les rejoint les deux compères dans la cinquième aventure « Le tour de Gaule ».
Chaque année paraît une nouvelle histoire, d’abord dans Pilote, puis après en album. Le dessin ouvertement caricatural d’Uderzo est aussi l’occasion de faire intervenir des célébrités, citons entre autres : Charles Laugthon dans « La serpe d’or », Les Beatles dans Astérix et les bretons, Lino Ventura dans La Zizanie, Yves Montand dans « Le cadeau de César », Raimu dans « Le tour de Gaule » ou encore Guy Lux dans «Le domaine des dieux».
Les mots d’esprit de Goscinny, le goût pour les anachronismes et les stéréotypes, sont mis en valeur par le dessin très expressif et minutieux d’Uderzo. D’album en album la qualité ne fait qu’augmenter, atteignant des sommets avec « Astérix et les helvètes » (!), mais surtout « Astérix Legionnaire » et « La zizanie » qui sont deux très grandes réussites du duo. Les gimmicks participent au succès de la série, qu’il s’agisse des pirates de la mer toujours malchanceux, d’Assurancetourix le barde qui essuie quelques plâtres avec ses compositions, des colères de César ou des querelles incessantes et bon enfant des villageois. Astérix et Obélix voient du pays, mais à leur retour, ils aiment toujours autant se réunir autour d’un banquet très festif. Rarement, l’esprit très français « de la bonne chère » aura été si bien croqué !
Plusieurs générations de lecteurs attendront impatiemment chaque nouvelle aventure dont certaines seront à partir de 1967 animées par Uderzo et Goscinny au cinéma, Pierre Tchernia, un fan et un ami du duo de la première heure, collaborera souvent aux scénarios de ces films d’animation.
Après la mort prématurée de Goscinny en 1977, Uderzo continue la série, non sans heurts
avec la maison d’édition Dargaud. Le dessin restera jusqu’au bout de grande qualité mais les histoires seront souvent moins marquantes. Il manquera presque toujours l’esprit d’un Goscinny.
Des années 80 à nos jours, Asterix et Obélix resteront très populaires et seront souvent adaptés au grand écran pour le meilleur et parfois le pire.
Homme d’affaires avéré Uderzo lance en 1981 le Parc Astérix avec le succès qu’on lui connaîtra. Diminué, il passera la main à ses collaborateurs en 2013.
Uderzo fut un dessinateur talentueux qui, à l’image d’un Hergé ou d’un Franquin, fut toujours soucieux du lecteur et ne s’est pas économisé ni sur le plan quantitatif, ni sur le plan créatif. Mais si la série des Astérix ne se poursuivra pas, selon ses dernières volontés, les fans pourront toujours se replonger dans les nombreux albums disponibles et même découvrir de nouveaux détails savoureux, tant dans le dessin que dans le texte, qui n’auraient pas sautés aux yeux lors des précédentes lectures.
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« Le Chat » – par Céline Recchia
Dans le cadre de la collection d’adaptations radiophoniques d’œuvres de Simenon
par France Culture et la Comédie-Française
Ce que nous avons en mémoire, c’est plutôt l’histoire du film de Pierre Granier-Deferre : un couple dont la femme, ancienne trapéziste de cirque blessée après une chute a mis fin à sa carrière. Couple sans enfants, il se déchire froidement, car lui, soupçonnant sa femme d’avoir empoisonné son chat, ne lui adresse plus la parole.
Jean de Baroncelli écrivait dans Le Monde du 05 mai 1971 à propos du film : « Pierre Granier-Deferre et Pascal Jardin ont apporté quelques modifications à la psychologie des personnages de Simenon. Ils les ont rendus plus pitoyables et moins odieux. Des vieillards mesquins et querelleurs imaginés par le romancier, ils ont fait des naufragés de l’amour, embarqués sur le même radeau, rivés au même destin dans la même tempête. »
Vous découvrirez une autre approche dans l’adaptation radiophonique du roman de Georges Simenon par Pierre Assouline.
Ici, ses origines à elle sont bien plus aisées, marquant une distance de plus entre elle et son deuxième mari ouvrier, son physique décrit n’est pas du tout le physique de Simone Signoret, ce qui trouble notre imaginaire, et en effet, la cruauté et la détestation empoisonne goutte à goutte l’atmosphère.
Mais voilà malgré tout une heure à passer en bonne compagnie !
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Le Mans, le Nord, Conan => connexions improbables.
Et pourtant…
par Céline Recchia
Au cinéma Les Cinéastes au Mans, s’est déroulé cette année le FesCh’tival , à l’initiative de l’association Ch’tis en Maine, dont le thème cette année était «Le Nord c’est géant», consacrant donc les grandes figures du Nord. Début mars j’ai assisté à la séance dédiée à l’un des géants du Nord, à savoir Pierre Mauroy !
Hier soir, au gré des recherches internet tardives, j’ai découvert le site Littérature audio «qui a pour objet de faciliter l’accès de tous et en particulier des non-voyants et malvoyants aux joies de la littérature». Parmi les œuvres enregistrées proposées je trouve cette proposition : Robert Ervin HOWARD « Les Dieux Du Nord » !
Qu’à cela ne tienne ! C’est géant ! Et c’est cocasse…car c’est ainsi que j’ai découvert l’origine littéraire de Conan le Barbare… ! Je n’ai jamais vu le film, je ne sais pas si j’ai vraiment envie de le découvrir, mais il est intéressant de découvrir l’auteur, car, ce que j’ignorai totalement vous l’avez compris, il est considéré au même plan que Tolkien ou Lovecraft.
Comme quoi, toutes les routes mènent au cinéma !
(mais par ailleurs, Le Mans est aussi le lieu d’une figure locale de l’exploitation cinématographique et de Territoires et Cinéma, profitons de ce papier pour lui rendre hommage, il s’agit de Jean-Louis Manceau, aujourd’hui disparu)
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« LA VIE EN GRIS ET EN ROSE »
de Takeshi KITANO (Edition Piquier Poche)
par Céline Recchia

L’enfance du réalisateur Takeshi KITANO, fils d’un peintre en bâtiment.
Quelques mots avant de vous laisser découvrir la présentation du livre sur le site de l’éditeur, et le très intéressant article du Monde mis en ligne sur le même site à propos de l’exposition « Gosse de peintre » qui s’est tenue à la Fondation Cartier en 2010.
Ce petit livre dépeint la pauvreté et la misère sociale qui fut celle de sa famille, entremêlée de volonté et de résignation. Les plus pauvres qu’eux, qui constituent une curiosité aux yeux d’un enfant, la place que l’on a du mal à trouver parce qu’à la fois honteux de sa condition et peu conscient de la réalité des barrières sociales, et toujours, quoi qu’il advienne les émerveillements de l’enfance, libellules et demoiselles, paires de ski improvisée en bambou, et dans la rue les petits spectacles du montreur d’images, montreur d’images que deviendra en quelque sorte, et pour notre chance Takeshi Kitano.
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Haute Société de Charles Walters (1956)
par Michel Senna
Le confinement amène parfois à entreprendre des choses que l’on ne pensait jamais faire comme regarder « Haute société » de Charles Walters que je m’étais toujours refuser de voir de peur de m’ennuyer furieusement avec un film très formaté et de surcroît chanté, ce qui est loin de me ravir.
Force est de constater que ce remake très coloré d’Indiscrétions excellente comédie de mœurs de George Cukor qui réunissait en 1940 Katharine Hepburn, Cary Grant et James Stewart, n’est pas exactement le film soporifique que j’avais imaginé.
Le mérite en revient à son héroïne Grace Kelly dans un rôle assez troublant par rapport à sa propre vie. La comédienne avait déjà montré ses talents d’actrice chez Hitchcock, Zinnemann ou encore sous la direction de George Seaton pour lequel elle surprenait dans Une fille de la province, en épouse protectrice et un peu négligée empêchant, malgré elle, son mari alcoolique (Bing Crosby), de renouer avec le succès à Broadway. Un rôle qui lui valut un Oscar en 1954.
Grace Kelly succède donc à Katharine Hepburn dans le rôle d’une femme du monde – Tracy Lord – au cœur soit disant froid comme de la pierre, qui s’apprête à se marier avec un homme d’affaires ennuyeux et strict. Heureusement, son ancien mari (encore Bing Crosby), qui sait profiter de la vie, saura la reconquérir, après qu’elle ait flirtée, l’alcool aidant, avec un reporter sympathique et blasé (Frank Sinatra). Ce dernier se rendra lui-même compte de son attachement pour sa collègue et amie journaliste (Céleste Holm).
Tout est bien qui finit bien sauf pour l’antipathique prétendant, dindon de la farce renvoyé dans ses 22.
Et c’est là que le film est assez singulier car le comédien (John Lund) héritant de ce rôle un peu ingrat ressemble avec sa petite moustache au Prince Rainier que Grace Kelly s’apprête à épouser après ce tournage. Et bien dans Haute Société, il se passe exactement le contraire. Elle ouvre les yeux sur ce que risque d’être son mariage et refuse d’être la gentille épouse, bien élevée et attentionnée d’un mari un peu suffisant, jaloux et autoritaire.
Ajoutons à cela qu’elle conduit très vite dans une décapotable (ce qu’elle faisait dans La main au collet), comme attirée par la vitesse et par un destin inexorable sur des routes sinueuses.
Toujours est-il que pour sa dernière apparition au cinéma, Grace Kelly se lâche davantage, son rôle le permettant, et compose un personnage tour à tour cynique, drôle, revêche et mélancolique. Sa beauté n’en est que plus rayonnante, notamment dans la longue séquence autour de la piscine.
Comédie musicale oblige, Louis Armstrong invité à la noce, nous régale de sa présence ouvre et ferme généreusement le film. Son duo avec Bing Crosby est également un bon moment, ainsi que les autres chansons, y compris celles plutôt discrètes de Sinatra, qui ne ralentissent pas trop l’action. (Mais dont on n’aurait pu se passer quand même).
Bien que sans éclat dans sa mise en scène, Haute Société est plutôt plaisant et intéressant à voir en considérant que Grace Kelly y a peut-être – consciemment ou non – enterré une partie d’elle-même en plus de sa carrière de comédienne.
*****

« Les trésors de Marcel Pagnol »
Réalisation : Fabien Béziat
Replay TV5 Monde
par Céline Recchia
L’aventure tant industrielle qu’artistique de Marcel Pagnol dans le cinéma français
En deux mots : A VOIR !
En plus de mots : En préalable, je voudrais confesser que, bien que très attachée à l’univers de Pagnol, en particulier pour sa trilogie maintes et maintes fois revue à la télévision depuis mon enfance, je me faisais de lui une idée très en deçà de celle que le documentaire nous permet heureusement de découvrir.
Mais avant trop de compliments, quelques égratignures d’Henri Jeanson à propos de son ami Pagnol, dont il dit qu’ « il n’a qu’un défaut » : il aime trop ses amis. « Il ne supporte pas de les voir souffrir. Quand on est malheureux, quand on souffre, il disparaît. (…). Actuellement je suis très heureux, je me porte à merveille. Mais il y a deux ans que je ne l’ai pas vu. Il doit me croire au seuil de l’agonie ». Ambiance…Il rend hommage à sa plume subtile et classique, mais à propos de Marseille, Jeanson écrit : « Tous ses personnages sont de braves types. Ils appartiennent à un Marseille sans gangsters et sans politiciens. ».
On entend bien sûr le point de vue de Jeanson, mais, et revenons-en au documentaire qui constate que pour Pagnol c’est « un Marseille suspendu au bord du temps, comme ses bateaux miniatures qui voguent éternellement enfermés dans des bouteilles. Un Marseille immuable vu à travers les yeux d’un enfant. ».
Et l’on découvre un jeune homme talentueux et très ambitieux. Fondateur avec d’autres camarades de la revue « Les Cahiers du Sud », s’efforçant après la Première Guerre mondiale de développer ses talents d’inventeurs – il déposera « des dizaines de brevets » – il parvient, étant devenu enseignant, à se faire nommer à Paris où il deviendra professeur d’anglais au lycée Condorcet. A Paris, il entrevoie sa route. Son ami d’enfance Paul Nivoix y est critique littéraire, il lui permettra de pénétrer le milieu du théâtre et du music-hall, aide précieuse durant ces années de vache enragée.
J’avais comme beaucoup, une vision tronquée de Pagnol. Si je voyais bien la gravité pour l’époque des sujets abordés dans ses films, j’ignorais le culot dont il a fait preuve, par exemple avec son premier succès au théâtre, écrit avec Paul Nivoix, « Les Marchands de Gloire », « pièce qui éreinte l’hypocrisie des va-t-en guerre et de l’armée », et puis le retentissement de « Topaze », toujours au théâtre, et qui lui apportera la fortune. On apprend que « Topaze » fera l’objet de neuf adaptations au cinéma !
Ce que l’on ne mesure pas toujours non plus c’est l’importance primordiale que Pagnol a eu sur les carrière de Raimu et de Fernandel. Fernandel lui-même nous apprend que Pagnol a su résister à ceux qui lui déconseillaient de le faire tourner, au motif que Fernandel « avili tout ce qu’il touche »…! Ce choix de Fernandel, il a même dû le défendre face à Giono.
Et Pagnol a même résisté à Raimu lorsque celui-ci voulait le décourager absolument d’engager Pierre Fresnay, au motif qu’un Alsacien ne peut pas jouer un Marseillais avec un accent d’importation !
Je profite de cette anecdote pour vous signaler un entretien entre Bernard Blier et Philippe Bouvard, entretien où Bernard Blier cite brièvement cette divergence, mais qui vous fera découvrir la rencontre Blier-Raimu et bien d’autres anecdotes là aussi
Ce documentaire donne à voir l’audace de Pagnol en matière cinématographique.
L’audace tout d’abord de Pagnol lors de l’arrivée du cinéma parlant. Pagnol appui sur le caractère universel qu’avaient les films muets, cependant, prédisant un avenir certain au cinéma parlant, il se met à dos ses amis du théâtre comme ceux du cinéma. René Clair en témoigne : « Nous nous sommes insultés, nous n’avons pas arrêté ! », cela se faisant par voix de presse, car, dit-il encore : « J’ai toujours été incapable de discuter avec Marcel parce que dès que je le vois il me charme, alors j’abandonne toutes mes théories ! » (d’ailleurs Fernandel dit lui même « mais on ne se fâche pas avec Pagnol…avec Pagnol on est toujours ami ou on est toujours fâché ! »).
Preuve de l’avenir assuré du parlant, la construction en banlieue Est de Paris des studios de la Paramount, outils de production industrielle des films parlants. C’est la Paramount qui proposera à Pagnol l’adaptation à l’écran de « Marius ». Pagnol bataillera pour que les comédiens de la pièce soient ceux qui interpréteront le film. La production cède mais impose le réalisateur qui sera Alexandre Korda. Preuve de cette force de frappe industrielle, on rappelle que les trois versions tournées en simultanées par trois équipes : la version française, la version suédoise, et la version allemande, chose courante à l’époque pour les grands studios.
Mais Alexandre Korda n’ayant en fait jamais tourné de film parlant, il propose à Pagnol de partager le travail, lui s’occupant de la photographie, et Pagnol des acteurs. Ainsi furent faits les premiers pas de Pagnol au cinéma.
Pagnol peaufine sa connaissance du cinéma dans tous ses aspects. Et fort du succès public reçu par « Marius », et pour lequel il avait avantageusement négocié avec la Paramount, il lance sa société « Les films Marcel Pagnol ».
Au fur et à mesure du temps : il crée une revue de cinéma « Les cahiers du Film » pour répondre à ses détracteurs sur sa soit-disant méconnaissance du cinéma, revue traitant également de techniques cinématographiques, fonde ses studios, sans parler de la création d’agences de distribution.
Le documentaire donne à voir une véritable aventure cinématographique, pas toujours heureuse certes, mais il faut reconnaître à Pagnol le flair pour les acteurs donc, un travail titanesque – par exemple lorsque, avec son équipe il entreprend de façonner le mont du terrain situé sur les 90 hectares achetés dans le Vallon de Marcellin pour les tournages d’« Angèle » et de « Regain », par exemple lorsqu’ils construisent « en dur » un village entier, qui plus est, en ruine… Rosselini aurait dit à Pagnol qu’il aurait inventé le néo-réalisme italien avec le film « Joffroy », qui donnera envie à Rosselini de faire du cinéma. Il a quand même quelques alliés dans le métiers, et pas des moindre, et notamment outre Atlantique, quand la profession en France l’étrille avec pugnacité : «une caméra placée dans le trou du souffleur », « du théâtre en conserve », etc…
L’audace, jusqu’au projet fou des 40 hectares du domaine de la Buzine, domaine étroitement lié à son enfance, et racheté pour y installer la Cité du cinéma, pour en « faire un véritable Hollywood en Provence ». Mais la seconde Guerre Mondiale ne permettra pas l’aboutissement du projet. Pagnol peut enclin aux arrangements avec l’occupant détruit son dernier film d’alors « La Prière aux étoiles » lorsque les autorités de l’époque exige de lui que son film entre dans le système cinématographique passé sous le giron allemand. On apprend qu’il vend l’ensemble de ses studios à la Gaumont lorsque ces mêmes autorités lui font comprendre qu’il ne pourra pas continuer de façon indépendante. Et puis, il sera l’un des premier à utiliser le procédé français Rouxcolor, dans un film plus que…surprenant… surtout à la suite de son entrée à l’Académie Française… une adaptation de « La Belle Meunière » avec Tino Rossi… !
Bon visionnage !
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