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En Bref : Novembre – Décembre 2025

EDITO : Le cinéma dans la tempête ?
On peut le croire si l’on rapproche trois évènements : tout d’abord la fusion annoncée pour fin 2028 entre Canal+ et UGC par une entrée dans le capital d’UGC, le rachat de Warner Bros par deux offres concurrentes : celle de Netflix et celle de la Paramount. S’ajoute à cela une offensive de quelques députés contre le CNC, et cette offensive va jusqu’à proposer sa suppression au moyen d’un amendement au projet de loi de finance.
Bien entendu cette série de données auraient des conséquences considérables que nous ne pouvons pas étudier dans le cadre de notre publication. C’est bien entendu le rachat de la Warner qui présente le plus de risque pour les salles de cinéma. Ce qu’a souligné l’UNIC – Union internationale des cinémas.
Dans un communiqué, Laura Houlgate, sa PDG, « a expliqué les profondes inquiétudes de l’organisation concernant l’accord proposé : si elle était autorisée à se concrétiser cette transaction présenterait un double risque. La disparition d’un studio entraînerait inévitablement une réduction du nombre de film proposé aux spectateurs dans les cinémas, ce qui provoquera une baisse des revenus, d’importantes fermetures de salle et des pertes d’emplois significatives dans ce secteur. Par ces paroles, comme par ces actes Netflix, à maintes fois démontrer son manque de confiance envers les salles de cinéma et de leur mode économique. La sortie qu’une poignée de films salle, généralement dans but de décrocher des prix, et ce pour une durée très courte privant, ainsi les exploitants de salle d’une exclusivité équitable. » Qu’ajouter de plus, sinon souhaiter une vigilance des Pouvoirs Publics pour s’apprêter à prendre des mesures permettant de sauvegarder le modèle français d’organisation du cinéma.
Lire le communiqué de l’UNIC
Observatoire de l’égalité Femmes – Hommes (édition 2025)
Comme nous l’avons déjà fait les autres années, nous vous présentons ici les points à retenir du travail de l’observatoire en 2025. Vous en trouverez également le sommaire. Sont consultables sur le site du CNC : la totalité du document bien sûr, ainsi que des bilans 2024, parus en novembre 2025.
A retenir :Une féminisation progressive de la filière, lente et discontinueUn effet rattrapage marqué dans les prestations techniques et l’animation, secteurs traditionnellement plus masculins. Toujours la même répartition genrée des métiers, même si les métiers techniques s’ouvrent de plus en plus aux femmes, et moins d’actrices à partir de 50 ans Des écarts salariaux persistants au sein d’une même famille de métiers, les femmes restant sous-représentées dans les professions les plus rémunératrices (par ex., directeur de la photographie ou réalisateur)
Des avancées notables côté production audiovisuelleUne part record de femmes à l’écriture et à la réalisation des œuvres aidées en 2024, portée par la politique volontariste des diffuseurs publics. Faible écart de rémunération entre acteurs et actrices, et en faveur ici des femmes (contrairement au cinéma)
Un bonus parité qui ne fait plus effet cote cinémaRecul de la proportion de films éligibles pour la première fois depuis sa mise en place. Moindre présence des femmes aux postes clés sur les FIF agréés en 2024, au plus bas depuis 2019. Inversion de tendance à la réalisation depuis 2 ans, avec une part de films réalisés par des femmes en repli.
Pour près de 70 % des projets, audiovisuels comme cinéma, des postes clés confies en large majorité a des hommes. 5 % des projets audiovisuels et près de 10 % des FIF agréés** où tous les postes clés sont occupés par des hommes. Un poste de réalisateur décisif : des projets plus paritaires lorsque le réalisateur est une réalisatrice. En cinéma, et dans une moindre mesure en fiction audiovisuelle, des réalisatrices qui se font rares sur les oeuvres à gros budgets.
* Large majorité : plus de 60 % des postes clés** FIF : sans tenir compte du poste de cheffe costumière, généralement occupé par une femme
Retrouvez l’étude complète du CNC
Diagnostic environnemental de la distribution
Rappelons qu’afin d’accompagner la filière dans sa transition écologique et énergétique, Plan Action ! a été lancé en 2021, plan de politique publique de transition écologique et énergétique des secteurs du cinéma, de l’audiovisuel et des industries techniques.
Dans ce cadre le CNC a publié le 11 décembre dernier le « Diagnostic environnemental de la distribution en salles en France », dont l’intégralité est disponible sur le site du CNC 
Chronologie des Médias : audition à l’Assemblée Nationale
La commission des affaires culturelles de l’assemblée auditionne sur la chronologie des medias et sa remise en cause par certains acteurs du secteur. Vous pourrez voir en ligne la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale du 03 décembre dernier, présentée ainsi sur le site de l’Assemblée : « la commission auditionne sur la chronologie des médias et sa remise en cause par certains acteurs du secteur,sous la forme d’une table ronde avec M.O Henrard, directeur général délégué du Centre National du Cinéma, M C Tardieu, secrétaire général de france télévisions, Richard Patry, président de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF) et du Bureau de Liaison des Industries Cinématographiques (BLIC), M.S Demoustier, co-président du Bureau de Liaison des Organisations du Cinéma (BLOC), et M.M Missonnier, membre. » et precise que « cette table ronde n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit mais elle est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée Nationale.
A vos agendas…
Printemps du cinéma : du dimanche 22 au mardi 24 mars 2026

Fêtes du cinéma 2026 : du dimanche 28 juin au mercredi 1 juillet 2026
Actualité dans la distribution
Nomination : Le Film Français a annoncé la nomination de Magalie Armand qui devient le nouvelle Déléguée Générale du Syndicat des Distributeurs Indépendants – SDI. Elle entrera en fonction début 2026. Certains l’auront connu notamment au CNC au département « Coproduction, coopération et Cinémas du monde » ou précédemment chez Unifrance.
Difficultés :  La distribution connaît bien des difficultés, car après d’autres structures dont il a relaté les difficultés cette année, le journal a récemment annoncé le placement en liquidation judiciaire des sociétés de distribution « Capricci Films » et « La Vingt-Cinquième Heure »
Un place Philippe de Broca à Paris
C’est par le biais d’une publication de CinéComédies sur les réseaux sociaux que nous avons appris l’inauguration de la place Philippe de Broca dans le 12ème arrondissement de Paris. Merci à eux !A cette occasion Jean-Paul Rappeneau lui a rendu un hommage que vous pourrez retrouver sur la chaîne YouTube de CineComedies
Festival Cinecomedies
CineComedies organise un festival bien connu désormais, à Lens-Liévin (avec résidences d’écritures, compétition de courts métrages, etc… et bons nombre de partenariats°

« En Bref » Novembre – Décembre 2025

Notre newsletter n° 15 – novembre 2015

Édito

3 269 578

Tel est le nombre d’entrées qu’ont connu les salles françaises durant la 48ème semaine d’exploitation de cette année 2025. Ces mêmes cinémas avaient connu en 2024 pour cette même 48ème semaine 4 453 569 entrées. Même si l’on souhaite que les fêtes de fin d’année permettent une certaines remontées, nous sommes donc dans une situation très difficile, les 48 semaines de 2024 avaient vu vendre 142 763 660 billets, les mêmes semaines en 2025 n’auront vu que 118 283 991 entrées dans les salles en France. Cette situation n’est bien sûr pas nouvelle, la dernière bonne année étant celle de 2019.

Cette situation du cinéma, et plus largement celle de la culture, préoccupe réellement tant les collectivités territoriales que les associations culturelles. Deux documents importants viennent de sortir que nous vous présentons ci-dessous. Ils montrent que le cinéma n’est pas seul parmi les activités culturelles à connaître de grandes difficultés. Sans le soutien des collectivités territoriales, bien des équipements connaîtraient des difficultés insurmontables. C’est donc dire qu’une action concertée est nécessaire.

Car l’un des éléments essentiel à l’action culturelle est aussi la présence sur le territoire d’équipements, de lieux de pratiques et d’accueil des œuvres artistiques. Si l’on peut aujourd’hui largement profiter de façon dématérialisée de contenus culturels, ces lieux permettent eux en revanche les moments partagés, entre spectateurs, entre spectateurs et artistes, entre pratiquants de la culture.

A l’heure où paradoxalement les réseaux sociaux isolent, où le repli sur soi devient une tentation plutôt qu’une crainte, n’a-t-on pas plus que jamais besoin que l’espace public marque une volonté collective d’accueillir, de montrer, de partager, grâce à la présence de ces lieux et de tous ceux qui les animent ?
Guide des bonnes pratiques – ADRC
et ses fiches pratiques…
Dans la continuité de son guide Cinémas verts et durables, l’ADRC publie aujourd’hui une série de fiches pratiques dédiées aux enjeux écologiques dans les cinémas. À destination de tous les exploitants et porteurs de projets : élus, collectivités, entreprises ou associations, ces fiches offrent des informations et exemples concrets pour accompagner la création ou la gestion éco-responsable des salles de cinéma. Ces fiches pratiques sont une ressource précieuse pour approfondir ses recherches au sein du guide Cinémas verts et durables, ce dernier offrant une étude plus exhaustive des thématiques abordées : mobilités, énergies, gestion des déchets ou encore mise en place d’un circuit court.
Télécharger les fiches
Prix Alice Guy 2026
Les votes pour le prix Alice Guy sont ouverts . Et vous avez jusqu’au 31 janvier 2026 pour vous exprimer. Votez pour vos 5 films préférés dans la liste des 106 œuvres éligibles cette année.
Comment voter ? Tout simplement en cliquant ICI. Il vous suffit de cocher 3 films au minimum et 5 au maximum pour enregistrer votre sélection. Tout le monde peut voter… jusqu’au 31 janvier 2026 à minuit.
Ma classe au cinéma
Le 25 novembre, les ministres de la Culture et de l’Education nationale ont annoncé« une série de mesures destinées à refonder l’éducation au cinéma et à l’image dans notre pays ».Cette annonce fait qui suite à la publication du rapport Geffray « Offrir à chaque élève une éducation au cinéma et à l’image de qualité » s’articule en quatre axes :- inscrire l’éducation au cinéma et à l’image dans la scolarité de tous les élèves,- donner un nouvel élan au dispositif « Ma classe au cinéma »,- renforcer la formation des acteurs de l’éducation à l’image ,- diversifier les dispositifs d’éducation à l’image.
lire le dossier de presse du CNC
L‘éducation aux images, en pratique et en politique
Dans son numéro du 3 décembre 2025 le magazine « BoxOffice Pro » propose entre autre un article (page 8 et 9) concernant l’éducation à l’image qui était au cœur des débats lors des rencontres de l’Archipel des Lucioles » du 25 au 27 novembre dernier.
Merci à BoxOffice pour son aimable autorisation.
Résultats du 10e baromètre de la COFAC
Le baromètre Flash de la COFAC – dont Territoires et Cinéma est membre – mesure la pression sur les dirigeants des associations culturelles afin de mieux comprendre et anticiper leurs besoins. La dernière édition du Baromètre s’est tenue en ligne du 2 septembre au 15 octobre 2025.
Retrouvez ici l’ensemble des résultats
Enquête :
L’engagement des communes et leur intercommunalité
pour la culture en 2025
A l’occasion du récent congrès des maires et présidents d’intercommunalité, l’AMF a publié les résultats de son enquête« L’engagement des communes et leur intercommunalité pour la culture en 2025 » réalisée entre le 5 et le 22 juin 2025 auprès de l’ensemble de ses adhérents. Parmi les principaux enseignements, 67% des communes considèrent être les premiers financeurs locaux de la culture ou encore près d’une collectivité sur deux signale sa difficulté « à toucher tous les habitants, en particulier ceux qui sont considérés comme éloignés de la culture ».  Retrouvez ici les résultats de cette enquête
2026 : 100 ans du cinéma « Le Palace » de Surgères
C’est avec plaisir que Territoires et Cinéma relaie ce message… pour célébrer les 100 ans de ce cinéma.
Le cinéma Le Palace de Surgères fêtera son 100ème anniversaire en 2026, ou plus être plus précis il fêtera les 100 ans de son nom Le Palace (1926 – 2026).Le cinéma de Surgères existe comme salle de cinéma depuis 1907 ; sans oublier que la salle fut construite avec les halles en 1848. Elle fut une salle de spectacle avant de devenir une salle de cinéma en 1907. Et depuis 2003 elle se partage entre le cinéma et le spectacle…./…Ce centenaire se fêtera tout au long de l’année 2026, avec une multitude d’évènements.Nous sommes à la recherche d’idées, de partenariats, de collaborations, de moyens financiers, de la visibilité tout au long de l’année 2026 ;Nous sommes même à la recherche de comédiens ou réalisateurs pour un parrainage sur un temps fort, ou sur l’année 2026.
Retrouvez l’intégralité du message ici ainsi que les coordonnées du cinéma
Une préhistoire du cinéma : Émile Reynaud
La plateforme HENRI, qui est une initiative de la Cinémathèque française, continue d’explorer, sur un rythme hebdomadaire, les raretés de ses collections films et de l’histoire du cinéma en proposant gratuitement des films rares issus de ses collections ou de celles de ses partenaires (cinéastes, festivals, archives, ayants droit, …).Cette semaine elle nous fait découvrir Émile Reynaud en le présentant ainsi :« Pionnier du cinéma et inventeur des premières images animées, Émile Reynaud a laissé peu de traces des « pantomimes lumineuses » créées pour son théâtre optique. Plus de 500 000 spectateurs ont pourtant afflué lors des sept années de représentations, entre 1892 et 1900, au musée Grévin. Des sept pantomimes réalisées par Émile Reynaud, il ne reste aujourd’hui que deux bandes : Pauvre Pierrot (1892) et Autour d’une cabine (1893), l’une au Conservatoire national des arts et métiers, l’autre à la Cinémathèque française. »
Découvrez cette courte merveille

SOMMAIRES DES REVUES DE CINEMA – OCTOBRE 2025

Site de la revue

CAHIERS DU CINEMA

Edito et sommaire sur le site de la revue

LA 7EME OBSESSION
Septembre-Octobre

Présentation sur le site de la revue

Sommaire et présentation du numéro sur le site de la revue

SOMMAIRES DES REVUES DE CINEMA – SEPTEMBRE 2025

L’édito sur le site de la revue

Le sommaire sur le site de la revue

Edito et sommaire sur le site de la revue

Sommaire et présentation du numéro sur le site de la revue

LA 7EME OBSESSION

Présentation sur le site de la revue

Claude Chabrol un métaphysicien qui s’ignore ? (de l’homme côte boucherie !) par Michel BARON

                       

« CREDO QUIA ABSURDUM »
« J’Y CROIS PARCE QUE C’EST ABSURDE ! »
TERTULLIEN

Nous avons tous besoin de pèlerinages qui rythment nos vies, qu’ils soient religieux, philosophiques ou intimes. Une manière de donner sens à la banalité du quotidien et de vérifier que nous sommes toujours bien enracinés, que nous n’allons pas être bousculés par le moindre souffle de vent. Une manière de vérifier que nous sommes plus du côté du roseau que du chêne !
Je vous fais confidence, que depuis de très nombreuses années, mon « chemin de Compostelle » passe par le festival de cinéma de La Rochelle. Un lieu magique où les cinéphiles se retrouvent pour leur messe annuelle !

I-UN CERTAIN CLAUDE CHABROL

Ce 53e festival, comme à son habitude présentait des merveilles du «  7e Art ». Mon attention fut particulièrement attirée par une rétrospective de l’oeuvre cinématographique de Claude Chabrol ( 1930-2010 ). Le personnage et les films ne peuvent que jouer un rôle d’aimant : le grotesque, la fantaisie, la dérision, la vivacité, la manipulation, structurent son cinéma et en font sa richesse et sa profondeur. Existe aussi un jeu très subtil sur la frontière quasiment invisible qui sépare le crime et la folie, la norme et la rébellion, le cadre et la marginalité. Un lieu qui peut se situer entre Honoré de Balzac, Flaubert et Simenon et qui illustre la solitude de l’homme. Avec ses 57 films et 23 téléfilms et près de 50 millions de spectateurs, Chabrol est un immense metteur en scène. Figure de la « Nouvelle vague »,il va manier l’humour tendre et la férocité. Sa fille adoptive, Cécile, décrit ainsi le non-conformiste ( 1 ) : « Une vie de Bouddha gourmand, d’anarchiste sournois, de jouisseur impertinent et débonnaire » ! A ajouter une féroce critique de la bourgeoisie ( dont il était un pur produit ! ) face à sa fausse morale et sa violence dissimulée. Il est intéressant de constater que la plupart de ses succès sortiront durant la période « pompidolienne »…

II- AH MADEMOISELLE HELENE JE VOUS METS DE CÔTE UN BEAU GIGOT. VOUS M’EN DIREZ DES NOUVELLES !

Et puis la surprise…

Parmi les films célèbres de Chabrol ( Le beau Serge, Les cousins, Les bonnes femmes, Les godelureaux, Les biches, la femme infidèle, Que la bête meure, La rupture, Juste avant la nuit, Les noces rouges, Landru ) revoir Le boucher, film sorti en 1970, nous ouvre des perspectives philosophiques insoupçonnées qui donnent un éclairage étonnant sur la pensée chabrolienne qui loin d’être légère
et gratuitement provocatrice, nous ouvre à des questions insondables. Dès lors, le monde de Chabrol prend la dimension d’une histoire de l’homme sans la grâce ni la rédemption. Un monde proche de Bouddha, Cioran et Schopenhauer et de leur conception de la permanence de la douleur. Une sorte de contre-poison à l’enthousiasme de Spinoza pour la recherche du bonheur…

A un mariage, dans une petite commune de Dordogne, Paul Thomas dénommé « Paupol » par les habitants ( prodigieux Jean Yanne ! ), boucher du village, fait la connaissance de mademoiselle Hélène, la sympathique directrice de l’école communale ( Vedette fétiche de Claude Chabrol, Stéphane Audran recevra le prix de meilleure actrice Saint-Sébastien, pour ce rôle en 1970). Une sympathie naît spontanément entre ces deux êtres sur la touche : elle se relève difficilement d’une rupture et lui trimballe un lourd passé d’ancien militaire en Indochine et en Algérie, une période où l’on entassait les cadavres dans les camions, comme de la viande dont il s’occupe maintenant et qu’il offre comme cadeau à mademoiselle Hélène, à la manière dont on offrirait des fleurs à l’élue de son coeur ! Un rapprochement amoureux s’opère mais l’un et l’autre savent qu’ils y croient parce que c’est absurde par nature : une parenthèse seulement, qui prend racine dans la peur de vivre de l’un et de l’autre, qui va se trouver accélérer par la découverte d’une jeune fille assassinée sauvagement à coup de couteau dans le bourg voisin. Crime suivi d’un second lors d’une sortie scolaire qu’organise mademoiselle Hélène avec ses élèves pour leur faire découvrir une grotte avec des peintures pariétales sur les chasseurs et le gibier potentiel, et où l’on trouve un autre corps ensanglanté de jeune femme à deux pas de la grotte préhistorique visitée.

Et c’est là que le génie de Chabrol se manifeste :

  • Nous devinons aisément que le boucher est le coupable et donc qu’il n’y a pas d’énigme policière à résoudre.
  • Nous faisons aisément le pronostic d’une psychose, mais Chabrol ne s’y attarde pas. La question n’est pas là car, comme Sénèque le fait remarquer : « Nullum unquam existitit sine aliqua dementia » ( « Nul ne peut prétendre exister sans être un peu cinglé ! » ).
  • Nous avançons bien sûr l’hypothèse que l’institutrice est en danger car elle devine très vite, comme nous, qui est l’assassin, mais que l’affection que lui porte le tueur l’obligera à retourner la violence sur lui pour l’épargner. Nous prévoyons le final « harakiri» du pseudo-Samouraï comme inéluctable. Elle ne le dénoncera pas avant la scène finale, partagée entre la peur de la mort ou de nouveau de se retrouver seule.

Qu’elle est alors la question de Chabrol ? Elle se tient dans la caverne : pourquoi la violence initiale dont l’homme est porteur de toute éternité est honorée quand il répond aux injonctions de l’État et devient ainsi un « héros » ou qu’il exerce un métier axé sur une forme de violence et pourquoi est-il un assassin quand il répond à ses pulsions ? L’image des peintures pariétales nous revient alors en mémoire : qui est le gibier et qui est le chasseur dans nos « grottes intérieures » ? Mais surtout, sommes nous sortis de la caverne où nos instincts nous enchaînent ? Dans le mythe de la caverne, notre incontournable Platon nous répond que non : accéder à la lumière n’est pas une fin en soi. Il convient de redescendre dans la caverne, car elle est notre habitat
et nos visites à l’extérieur ne sont qu’occasionnelles et limitées et retournons aux chaînes de notre nature. Platon tente de négocier une solution acceptable : cela serait, théoriquement, pour aider les autres ; ceux qui n’ont pas encore vu la lumière. Mais à quoi bon puisqu’elle n’est que momentanée. Dans le film,Chabrol nous montre que la tendresse des « desesperados » que sont les deux héros, ne les sauvera pas de l’obscurité qui reprend ses droits…

III-PAS LE CHOIX : OU LA MORALE OU L’ETHIQUE.

Ce film dénonce l’ennemi de Chabrol par excellence : La morale. Celle qui prétend répondre à la nature de l’homme en proposant ses solutions et en condamnant ceux qui ne les partagent pas, générant ainsi d’autres violences. La voie juste est sans doute la proposition humaniste de l’éthique, celle qui sait que la nature humaine peut produire des merveilles mais qui repose aussi sur un fond qui repose sur une bestialité latente qui n’attend qu’une occasion pour se manifester. Pour Chabrol, la non-violence n’est qu’un décors, une mise en scène provisoire. La morale, de quelque nature qu’elle fut est l’imposition d’une « vérité », l’éthique c’est « faire avec ». Albert Camus, dans un texte fondamental que nous citerons dans son entièreté, de juin-juillet 1948 ( « Deux réponses à Emmanuel d’Astier de la Vigerie »), va aborder cette question de la violence inhérente à l’homme ( 2 ) : « Ce n’est pas me réfuter en effet que de réfuter la non-violence. Je n’ai jamais plaidé pour elle. Et c’est une attitude qu’on me prête pour la commodité d’une polémique. Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dis donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu’il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette légitimation lui vienne d’une raison d’État absolue, ou d’une philosophie totalitaire. La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut. Je ne prêche donc ni la non-violence, j’en sais malheureusement l’impossibilité, ni, comme disent les farceurs, la sainteté : je me connais trop pour connaître en la vertu toute pure. Mais dans un monde où l’on s’emploie à justifier la terreur avec des arguments opposés, je pense qu’il faut apporter une limitation à la violence, la cantonner dans certains secteurs quand elle est inévitable, amortir ses effets terrifiants en l’empêchant d’aller jusqu’au bout de sa fureur. J’ai horreur de la violence confortable. J’ai horreur de ceux dont les paroles vont plus loin que les actes. C’est en cela que je me sépare de quelques-uns de nos grands esprits dont je m’arrêterai de mépriser les appels au meurtre quand ils tiendront eux-mêmes les fusils de l’exécution ».

Décidément, tout cela devient bien compliqué. Je fatigue, je vais aller voir un film au ciné !
NOTES

( 1 ) : Ouvrage collectif : 53e Festival de cinéma de La Rochelle- 2025. (Page 67).

( 2 ) Maeso Marylin:L’Abécédaire d’Albert Camus. Paris. Ed. De l’Observatoire. 2020. ( Pages 203 et 204 )

BIBLIOGRAPHIE

  • Arendt Hannah : La crise de la culture. Paris. Ed. Gallimard. 1972.
  • Asséo André et Chabrol Claude : Laissez-moi rire ! Paris. Ed. Du Rocher. 2004.
  • Bourdon Laurent : Tout Claude Chabrol. Paris. Ed. Lettmotiv. 2020.
  • De Baecque Antoine : Chabrol. Biographie. Paris. Ed. Stock. 2021.
  • Deleuze Gilles : Spinoza. Philosophie pratique. Paris. Ed. De Minuit. 2003.
  • Guérif François et Chabrol Claude : Conversations avec Claude Chabrol. Paris. Ed. Payot. 2011.
  • Kremer-Marietti Angèle : L’éthique. Paris. Ed. PUF. 1987.
  • Lévinas Emmanuel : Ethique et infini. Paris. Ed. Arthur Fayard. 1982.
  • Schopenhauer Arthur : Entretiens. Paris. Ed. Critérion. 1992.