Archives pour la catégorie « L’ombre d’un doute »

La mule

Quel plaisir de revoir le grand Clint Eastwood devant la caméra et s’en donner à cœur à joie dans un numéro drôle et touchant dans lequel l’acteur montre davantage sa vulnérabilité et sa fantaisie. Dans la continuité de ses rôles de père et de mari raté, il incarne brillamment ce personnage qui, à l’aube de sa vie, tente une réconciliation avec les siens. S’il n’évite pas quelques outrances sur la description du monde des trafiquants et quelques scènes d’enquête policières un peu convenues, ce road movie s’avère très attachant et fait oublier les errements précédents de Clint. Ici, point de patriotisme exacerbé, aucune interrogation sur l’héroïsme, juste la vie d’un honnête homme, plutôt franc tireur, qui franchit la ligne blanche pour survivre et faire le bien autour de lui et réparer dans la mesure du possible. Parfaitement secondé notamment par Dianne Wiest, le film évite le pathos même dans ses moments les plus graves. On ne peut qu’espérer revoir Clint dans ses prochaines œuvres, car finalement il reste le mieux placé pour jouer des anti-héros Eastwoodiens ! Michel Senna

Dianne Wiest et Clint Eastwood dans La Mule

 

L’heure de la sortie

Un instituteur effectuant un remplacement dans une école provinciale, suite au suicide d’un professeur, se retrouve à la tête d’une classe d’adolescents surdoués au comportement bien étrange. A partir d’un postulat qui évoque de nombreux films étrangers des années 70, le réalisateur, Sébastien Marnier, a signé un film intrigant et plutôt soigné mais dont les références très nombreuses et l’oscillation permanente entre le suspense de genre, le film à thèse et le drame psychologique, ne permettent pas vraiment de croire à cette singulière histoire. Du reste faut-il être vraiment surdoué pour comprendre que le monde court à sa perte, et ce, dans l’indifférence générale. L’interprétation des jeunes acteurs manque un peu de naturel et pour sa part Laurent Lafitte, dont le jeu gagne en densité, promène son regard inquiet durant tout le film. On a un peu de mal à croire au vide affectif de son personnage homosexuel et à sa fascination pour l’œuvre de Kafka, notamment dans des scènes oniriques au symbolisme appuyé.
Bref, trop fourre-tout pour convaincre et un peu prévisible dans son final spectaculairement pessimiste, L’heure de la sortie n’en reste pas moins un exercice de style formellement réussi. Michel Senna

LETO

Un film russe rafraîchissant sur une jeunesse désabusée de Leningrad, au début des années 80, amatrice d’un rock puissant importé d’Occident. Bien qu’un peu longue, cette chronique, tournée dans un beau noir et blanc, est plaisante et bénéficie de trouvailles visuelles du plus bel effet même si elles confinent vers la culture clip. Le contexte du communisme y est évoqué sous un angle plutôt satirique à travers un personnage qui rêve d’anarchie et de plus de libertés.

Michel Senna

Le grand bain

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Cold War

Bénéficiant d’une bonne presse, ce film, Prix de la mise en scène à Cannes, s’annonçait prometteur et s’avéra relativement décevant. L’histoire est celle d’un chanteuse danseuse polonaise et de sa relation amoureuse contrariée avec un pianiste – également polonais – attiré par la liberté et la vie parisienne. Le film est construit comme une succession de tableaux dans lesquels on suit la séparation et les retrouvailles des deux artistes sur une période de quinze ans. Si la mise en scène reste très soignée, et le noir et blanc de toute beauté, le film n’est partiellement réussi dans son histoire d’amour, faute de passion et d’un acteur trop renfrogné interprétant le pianiste. Sur le plan politique, Cold war peine à convaincre car sa description de la Pologne, alors sous le joug de la propagande communiste, n’est ici qu’esquissée, malgré un personnage secondaire du régisseur très réussi. On ne ressent pas vraiment le poids de la dictature stalinienne, ni celui de la séparation entre les deux personnages, qui sont de toutes manières presque toujours réunis à l’écran. Le contexte de la Guerre Froide ne constitue ici qu’un décor à cette histoire d’amour impossible. Reste un belle et touchante prestation de Joanna Kulig dans le rôle de cette jeune fille qui perd petit à petit son innocence, et de bien belles images, certes un peu glacées. Bien que nullement désagréable, le film de Pawel Pawlikowski, n’aborde pas vraiment son sujet (ou supposé tel), et n’évite par certains clichés, notamment dans sa description un peu convenue et appuyée du Paris des années jazz.

Michel Senna

Première année

Après Hippocrate et Médecin de campagne, le monde de la médecine est à nouveau à l’honneur dans ce nouveau film de Thomas Lilti, aux accents autobiographiques, qui montre l’acharnement d’Antoine et Benjamin, deux étudiants qui doivent réussir le cap de leur première année d’études et être suffisamment bien notés pour choisir ensuite la filière qui leur convient.
Interprétés tout en nuances par William Lebghil et Vincent Lacoste, ces deux jeunes amis n’ont pas les mêmes attentes et les mêmes facilités pour apprendre. Apprendre et assimiler les connaissances jusqu’à en tomber malade, et avoir la vocation ou pas, tel est là le sujet de ce film traité sans détours et d’une précision quasi maniaque.
Bien mis en scène et porté par un excellent duo, Première année sonne juste tout le temps jusqu’à son final assez touchant. Michel Senna