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Claude Chabrol un métaphysicien qui s’ignore ? (de l’homme côte boucherie !) par Michel BARON

                       

« CREDO QUIA ABSURDUM »
« J’Y CROIS PARCE QUE C’EST ABSURDE ! »
TERTULLIEN

Nous avons tous besoin de pèlerinages qui rythment nos vies, qu’ils soient religieux, philosophiques ou intimes. Une manière de donner sens à la banalité du quotidien et de vérifier que nous sommes toujours bien enracinés, que nous n’allons pas être bousculés par le moindre souffle de vent. Une manière de vérifier que nous sommes plus du côté du roseau que du chêne !
Je vous fais confidence, que depuis de très nombreuses années, mon « chemin de Compostelle » passe par le festival de cinéma de La Rochelle. Un lieu magique où les cinéphiles se retrouvent pour leur messe annuelle !

I-UN CERTAIN CLAUDE CHABROL

Ce 53e festival, comme à son habitude présentait des merveilles du «  7e Art ». Mon attention fut particulièrement attirée par une rétrospective de l’oeuvre cinématographique de Claude Chabrol ( 1930-2010 ). Le personnage et les films ne peuvent que jouer un rôle d’aimant : le grotesque, la fantaisie, la dérision, la vivacité, la manipulation, structurent son cinéma et en font sa richesse et sa profondeur. Existe aussi un jeu très subtil sur la frontière quasiment invisible qui sépare le crime et la folie, la norme et la rébellion, le cadre et la marginalité. Un lieu qui peut se situer entre Honoré de Balzac, Flaubert et Simenon et qui illustre la solitude de l’homme. Avec ses 57 films et 23 téléfilms et près de 50 millions de spectateurs, Chabrol est un immense metteur en scène. Figure de la « Nouvelle vague »,il va manier l’humour tendre et la férocité. Sa fille adoptive, Cécile, décrit ainsi le non-conformiste ( 1 ) : « Une vie de Bouddha gourmand, d’anarchiste sournois, de jouisseur impertinent et débonnaire » ! A ajouter une féroce critique de la bourgeoisie ( dont il était un pur produit ! ) face à sa fausse morale et sa violence dissimulée. Il est intéressant de constater que la plupart de ses succès sortiront durant la période « pompidolienne »…

II- AH MADEMOISELLE HELENE JE VOUS METS DE CÔTE UN BEAU GIGOT. VOUS M’EN DIREZ DES NOUVELLES !

Et puis la surprise…

Parmi les films célèbres de Chabrol ( Le beau Serge, Les cousins, Les bonnes femmes, Les godelureaux, Les biches, la femme infidèle, Que la bête meure, La rupture, Juste avant la nuit, Les noces rouges, Landru ) revoir Le boucher, film sorti en 1970, nous ouvre des perspectives philosophiques insoupçonnées qui donnent un éclairage étonnant sur la pensée chabrolienne qui loin d’être légère
et gratuitement provocatrice, nous ouvre à des questions insondables. Dès lors, le monde de Chabrol prend la dimension d’une histoire de l’homme sans la grâce ni la rédemption. Un monde proche de Bouddha, Cioran et Schopenhauer et de leur conception de la permanence de la douleur. Une sorte de contre-poison à l’enthousiasme de Spinoza pour la recherche du bonheur…

A un mariage, dans une petite commune de Dordogne, Paul Thomas dénommé « Paupol » par les habitants ( prodigieux Jean Yanne ! ), boucher du village, fait la connaissance de mademoiselle Hélène, la sympathique directrice de l’école communale ( Vedette fétiche de Claude Chabrol, Stéphane Audran recevra le prix de meilleure actrice Saint-Sébastien, pour ce rôle en 1970). Une sympathie naît spontanément entre ces deux êtres sur la touche : elle se relève difficilement d’une rupture et lui trimballe un lourd passé d’ancien militaire en Indochine et en Algérie, une période où l’on entassait les cadavres dans les camions, comme de la viande dont il s’occupe maintenant et qu’il offre comme cadeau à mademoiselle Hélène, à la manière dont on offrirait des fleurs à l’élue de son coeur ! Un rapprochement amoureux s’opère mais l’un et l’autre savent qu’ils y croient parce que c’est absurde par nature : une parenthèse seulement, qui prend racine dans la peur de vivre de l’un et de l’autre, qui va se trouver accélérer par la découverte d’une jeune fille assassinée sauvagement à coup de couteau dans le bourg voisin. Crime suivi d’un second lors d’une sortie scolaire qu’organise mademoiselle Hélène avec ses élèves pour leur faire découvrir une grotte avec des peintures pariétales sur les chasseurs et le gibier potentiel, et où l’on trouve un autre corps ensanglanté de jeune femme à deux pas de la grotte préhistorique visitée.

Et c’est là que le génie de Chabrol se manifeste :

  • Nous devinons aisément que le boucher est le coupable et donc qu’il n’y a pas d’énigme policière à résoudre.
  • Nous faisons aisément le pronostic d’une psychose, mais Chabrol ne s’y attarde pas. La question n’est pas là car, comme Sénèque le fait remarquer : « Nullum unquam existitit sine aliqua dementia » ( « Nul ne peut prétendre exister sans être un peu cinglé ! » ).
  • Nous avançons bien sûr l’hypothèse que l’institutrice est en danger car elle devine très vite, comme nous, qui est l’assassin, mais que l’affection que lui porte le tueur l’obligera à retourner la violence sur lui pour l’épargner. Nous prévoyons le final « harakiri» du pseudo-Samouraï comme inéluctable. Elle ne le dénoncera pas avant la scène finale, partagée entre la peur de la mort ou de nouveau de se retrouver seule.

Qu’elle est alors la question de Chabrol ? Elle se tient dans la caverne : pourquoi la violence initiale dont l’homme est porteur de toute éternité est honorée quand il répond aux injonctions de l’État et devient ainsi un « héros » ou qu’il exerce un métier axé sur une forme de violence et pourquoi est-il un assassin quand il répond à ses pulsions ? L’image des peintures pariétales nous revient alors en mémoire : qui est le gibier et qui est le chasseur dans nos « grottes intérieures » ? Mais surtout, sommes nous sortis de la caverne où nos instincts nous enchaînent ? Dans le mythe de la caverne, notre incontournable Platon nous répond que non : accéder à la lumière n’est pas une fin en soi. Il convient de redescendre dans la caverne, car elle est notre habitat
et nos visites à l’extérieur ne sont qu’occasionnelles et limitées et retournons aux chaînes de notre nature. Platon tente de négocier une solution acceptable : cela serait, théoriquement, pour aider les autres ; ceux qui n’ont pas encore vu la lumière. Mais à quoi bon puisqu’elle n’est que momentanée. Dans le film,Chabrol nous montre que la tendresse des « desesperados » que sont les deux héros, ne les sauvera pas de l’obscurité qui reprend ses droits…

III-PAS LE CHOIX : OU LA MORALE OU L’ETHIQUE.

Ce film dénonce l’ennemi de Chabrol par excellence : La morale. Celle qui prétend répondre à la nature de l’homme en proposant ses solutions et en condamnant ceux qui ne les partagent pas, générant ainsi d’autres violences. La voie juste est sans doute la proposition humaniste de l’éthique, celle qui sait que la nature humaine peut produire des merveilles mais qui repose aussi sur un fond qui repose sur une bestialité latente qui n’attend qu’une occasion pour se manifester. Pour Chabrol, la non-violence n’est qu’un décors, une mise en scène provisoire. La morale, de quelque nature qu’elle fut est l’imposition d’une « vérité », l’éthique c’est « faire avec ». Albert Camus, dans un texte fondamental que nous citerons dans son entièreté, de juin-juillet 1948 ( « Deux réponses à Emmanuel d’Astier de la Vigerie »), va aborder cette question de la violence inhérente à l’homme ( 2 ) : « Ce n’est pas me réfuter en effet que de réfuter la non-violence. Je n’ai jamais plaidé pour elle. Et c’est une attitude qu’on me prête pour la commodité d’une polémique. Je ne pense pas qu’il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d’occupation me l’ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps là, de terribles violences qui ne m’ont posé aucun problème. Je ne dis donc point qu’il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu’il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette légitimation lui vienne d’une raison d’État absolue, ou d’une philosophie totalitaire. La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut. Je ne prêche donc ni la non-violence, j’en sais malheureusement l’impossibilité, ni, comme disent les farceurs, la sainteté : je me connais trop pour connaître en la vertu toute pure. Mais dans un monde où l’on s’emploie à justifier la terreur avec des arguments opposés, je pense qu’il faut apporter une limitation à la violence, la cantonner dans certains secteurs quand elle est inévitable, amortir ses effets terrifiants en l’empêchant d’aller jusqu’au bout de sa fureur. J’ai horreur de la violence confortable. J’ai horreur de ceux dont les paroles vont plus loin que les actes. C’est en cela que je me sépare de quelques-uns de nos grands esprits dont je m’arrêterai de mépriser les appels au meurtre quand ils tiendront eux-mêmes les fusils de l’exécution ».

Décidément, tout cela devient bien compliqué. Je fatigue, je vais aller voir un film au ciné !
NOTES

( 1 ) : Ouvrage collectif : 53e Festival de cinéma de La Rochelle- 2025. (Page 67).

( 2 ) Maeso Marylin:L’Abécédaire d’Albert Camus. Paris. Ed. De l’Observatoire. 2020. ( Pages 203 et 204 )

BIBLIOGRAPHIE

  • Arendt Hannah : La crise de la culture. Paris. Ed. Gallimard. 1972.
  • Asséo André et Chabrol Claude : Laissez-moi rire ! Paris. Ed. Du Rocher. 2004.
  • Bourdon Laurent : Tout Claude Chabrol. Paris. Ed. Lettmotiv. 2020.
  • De Baecque Antoine : Chabrol. Biographie. Paris. Ed. Stock. 2021.
  • Deleuze Gilles : Spinoza. Philosophie pratique. Paris. Ed. De Minuit. 2003.
  • Guérif François et Chabrol Claude : Conversations avec Claude Chabrol. Paris. Ed. Payot. 2011.
  • Kremer-Marietti Angèle : L’éthique. Paris. Ed. PUF. 1987.
  • Lévinas Emmanuel : Ethique et infini. Paris. Ed. Arthur Fayard. 1982.
  • Schopenhauer Arthur : Entretiens. Paris. Ed. Critérion. 1992.

 » La zone d’intérêt » de John Glazer : l’ analyse de Michel Baron

Michel Baron, qui suit nos travaux avec beaucoup d’attention et de pertinence, nous fait parvenir son analyse du film « La zone d’Intérêt ».
Nous l’en remercions très sincèrement.
Cette rubrique « l’ombre d’un doute » est ouverte à tous alors vous aussi n’hésitez pas à nous faire parvenir vos analyses de films.

DE LA BANALITE DU MAL

«  Les hommes sont naturellement mauvais. Il en est qui font le mal, parce qu’on les a payés pour le faire : on les flétrit justement. Mais un plus grand salaire reçu pour un plus grand méfait les dispose à mieux s’accommoder de ce mépris. »Euripide (Bellérophon)

Durant des années, après la seconde guerre mondiale, un important dossier médical demeurait « sous le coude », en regard des interrogations morales et philosophiques qu’il engendrait : poussés par un intérêt scientifique, un groupe de psychiatres américains, avaient réalisés toute une série d’entretiens avec des nazis, prisonniers, directement impliqués dans les crimes contre l’humanité perpétrés durant la période du IIIe Reich, afin de dresser le catalogue des pathologies mentales dont ils étaient, théoriquement, porteurs. Mais, le choc du résultat fut inattendu : psychiatriquement parlant, les bourreaux ne présentaient pas les symptômes caractéristiques de malades mentaux : pas de psychoses, ni même de perversions ; juste quelques traits névrotiques classiques chez certains qui faisaient que l’on pouvait les classer dans la normalité. Point de Mister Hyde, juste des Dr. Jekill vivant une vie banale, dans un environnement banal. Pour monter au pouvoir, Hitler avait fait appel aux « chemises brunes », composés de marginaux, brutes ne reculant pas devant une violence à peine contrôlée par le parti nazi. Chez eux, on pouvait reconnaître des pathologies que le régime, installé en 1933, ne pouvait tolérer : le résultat sera la « nuit des longs couteaux » ( Dimanche 1er et lundi 2 juillet 1934 ) et la liquidation de la « S.A. » ( « Sturm Abteilungen », « Section d’Assaut ») et de son chef Ernst Röhm ( 1887-1934 ), concurrent d’Hitler, proposant un programme « plus à gauche » que ce dernier, obligé de se rapprocher du capital pour la survie du « NDSAP », le parti « National Socialiste », dont l’élite sera désormais représentée par les « SS » ( « Sturm Sicherheit » « Section de Sécurité»). Sociologiquement, leur recrutement s’effectuera principalement dans la petite bourgeoisie et les classes moyennes, avec l’idéal de créer à terme une sorte d’aristocratie nouvelle qui dépasserait celle des nobles allemands, hostiles dans leur ensemble à Hitler. A la violence de la voyoucratie des chemises brunes et leurs pathologies utilisées, va succéder l’ « ordre noir » de ceux qui sont recrutés dans la normalité et à qui on fait miroiter un ennoblissement imaginaire en leur donnant l’absolution de toute culpabilité, du moment que le travail, donc l’impératif Kantien du devoir, soit fait.

Bien entendu, on ne peut que se rappeler ici Hannah Arendt (1906-1975 ) et le « Procès à Jérusalem »( 1963 ) d’Adolf Eichmann, et ce rire qui fit scandale à l’époque et encore aujourd’hui : comment cet être falot, petit bureaucrate minable, qui classait de manière exemplaire ses dossiers, soit cet assassin qui comparaissait enfin devant un tribunal ? La philosophe soulevait là une interrogation fondamentale sur la nature de l’homme, dans une époque qui se voulait tournée vers l’humanisme après la tourmente. Mais, elle même se trouvait confrontée à un problème intime d’une intensité à peine supportable : pourquoi, l’un des plus grand philosophes du XXe siècle, Martin Heidegger ( dont Sartre s’inspira largement ! ) et dont elle fut la maîtresse, adhéra, très volontairement, au parti National Socialiste ? Cela dépassait l’entendement et le jeu des petites compromissions, pour déboucher sur une interrogation de la nature humaine…

Reprenant cette interrogation fondamentale, le metteur en scène américain ; Jonathan Glazer, vient de sortir un film intitulé : « La zone d’intérêt » qui est un film-choc, tant par le succès remporté ( Grand prix du jury à Cannes ). que par la présentation du sujet et la qualité des acteurs. Le film est centré sur la vie aux abords d’Auschwitz, où est établi le commandant Rudolf Höss, son épouse et leurs enfants. Le metteur en scène, pour ne pas tomber dans l’obscénité du spectacle de la Shoa, va développer un dispositif étonnant où domine le goût de l’abstraction. Glazer, ne montre que la périphérie du camp, sans jamais y entrer. Il s’en tient à distance, grâce à une poétique du détail visuel et sonore qui suffit pour faire tâche ou créer la dissonance au coeur d’une pseudo harmonie apparente : chaque scène dans la maison des Höss devient un tableau riant où parfois se décèle des ombres de l’horreur : un bagnard amaigri qui travaille parmi les fleurs, un manteau de fourrure pris sur une déportée et que s’approprie madame Höss, la collection de dents en or de l’un des enfants et, dans le lointain une rumeur étouffée et discontinue venant des aboiement des chiens, des tirs, et des fours lancés à plein régime.

La mise en scène de Glazer souligne le hiatus monstrueux entre le microcosme plaisant des Höss et les atrocités qui financent leur train de vie. Ce qui frappe ici, c’est le consumérisme aveugle et l’individualisme poussé à l’extrême de cette famille. Hedwig Höss, au comble du bonheur où elle passe du statut de petite bourgeoise à celui de l’élite s’exclame : « On vit comme on en a toujours rêvé ». Ignoble indifférence de la «  Reine d’Auschwitz » ! Bien sûr, le commandant Höss est un homme sensible aux animaux et aux plantes, est un bon père de famille et gère le camp en bon manager, soucieux des cadences et de la rentabilité, révélant ainsi à quel point la Shoah a pu s’accomplir à force d’abstraction technique, dans une totale déshumanisation. Höss, avec une conscience professionnelle inattaquable est souvent préoccupé des retards de production et d’élimination et demande à ses supérieurs, preuves à l’appui, qu’il peut faire mieux si on perfectionne l’outil de travail !…Ce film remarquable nous plonge à la fois dans « Eloge de la folie » d’Erasme et dans «  le Procès » de Franck Kafka.

Pour nous, la réflexion autour de ce thème devient capitale, car elle met en jeu notre conception même de l’humanisme : Y à t-il cohabitation dans l’homme entre « bien et mal » ou le « bien » n’est-il qu’une mince pellicule éthique culturelle prête à voler en éclat dès que l’autorisation de ne plus avoir de culpabilité est donnée et qu’exercer l’ abomination sur l’autre devient un devoir ?

Michel BARON

LA LIBERTE D’EN RIRE par Michel Baron

Michel Baron, qui suit nos travaux avec beaucoup d’attention et de pertinence, nous fait parvenir son analyse du film, vu à La Rochelle durant le FeMa : Le grand blond avec une chaussure noire

« La peur signifie et refuse le même fait : un monde où le meurtre est légitimé et où la vie humaine est considérée comme futile »
Albert Camus, ( Le siècle de la peur 1946)

Le Festival de Cinéma de La Rochelle est incontestablement une fête , un
lieu de réflexion et de plaisirs partagés. Avec, en embuscade, la surprise d’une découverte que l’on attendait pas, qui vient là, à la sauvette, autour d’un plat de sardines grillées, d’une salle obscure ou du soleil couchant sur les Tours du port.
Mon « chemin de Damas », cette année, s’est déroulé d’une étrange façon
et avait pour base ma réticence à voir ou revoir les films de Pierre Richard que je jugeais avec, je dois avouer, une certaine sévérité. Mais, après avoir fait la connaissance de l’acteur, présent au Festival qui l’honorait et finalement ayant trouvé sympathique ce bonhomme de 89 ans, tellement dynamique et bourré de projets que je me risquais à revoir le célèbre « Grand blond avec une chaussure noire » et, à ma grande surprise, je fus gagné par une énorme jubilation partagée par la salle et je me demandais l’origine de ce soudain engouement.
Bien sûr, il y avait le talent et le professionnalisme de Pierre Richard, Mireille Darc, Bernard Blier, Jean Rochefort, Jean Carmet et les autres, mais cela n’expliquait pas la tornade de rires provoqués par le film d’Yves Robert réalisé en 1972 et qui avait obtenu l’Ours d’Argent à Berlin en 1973.


Et soudain, je pris conscience combien ce film, jouant sur le comique de
situation où un homme distrait et banal va se trouver en toute innocence
victime des imbroglios des services secrets français.
Ce François Perrin, en fait, c’est nous ! Yves Robert, mine de rien, nous parle du rôle que les services de renseignement ont joué sur l’imaginaire français. Cette « guerre des services » et l’omniprésence du renseignement en France, a pris une forte extension durant la seconde guerre mondiale où les services secrets gaullistes de Londres disputait l’exclusivité du renseignement à d’autres résistants qui eux, travaillaient pour les services britanniques, allant jusqu’à les accuser de traîtrise !
A la libération, où débute à la fois la décolonisation et les problèmes intérieurs, le rôle du renseignement va devenir exponentiel et, chose dangereuse, s’autonomiser de plus en plus dans ses actions, sans qu’il y ait un contrôle sérieux de l’État sur le bien fondé de certaines opérations et la non-justification d’une surveillance accrue des citoyens. Le comble de cette tendance sera bien entendu durant la guerre d’Algérie où les « barbouzes » s’en donnent à cœur joie !
Les habitudes étant prises, après les accords d’Evian, les services de
renseignements désireront poursuivre leur omniprésence sur la vie
française, avec à la clef, des scandales retentissants ( Affaire Ben Barka,
création du SAC, écoutes non-justifiées, etc…). Les services de
renseignements participeront fortement au corsetage de la société
française sans s’apercevoir que l’évolution des moeurs se produit et que
cette surveillance permanente devient insupportable.
Mai 68 sera la fin de Jacques Foccard comme idéal !

  1. Avec un culot à toute épreuve, Yves Robert, tourne en dérision ces
    fonctionnaires ridicules, arrogants et parfaitement inefficaces. Ce qui sera repris, avec bonheur, dans la caricature de OSS117 par Jean Dujardin quelques années plus tard !
    Revoir ce film, c’est finalement en arriver au conte indien sur la vérité :
    dans le noir, on croit voir un serpent qui n’est en fait qu’un bout de ficelle.
    Et on en rit, on en rit, enfin libérés d’un drôle de climat d’anxiété.

Michel BARON

Haute Société –  Charles Walters (1956) vu par Michel Senna 

Le confinement amène parfois à entreprendre des choses que l’on ne pensait jamais faire comme regarder « Haute société » de Charles Walters que je m’étais toujours refuser de voir de peur de m’ennuyer furieusement avec un film très formaté et de surcroît chanté, ce qui est loin de me ravir.

Force est de constater que ce remake très coloré d’Indiscrétions excellente comédie de mœurs de George Cukor qui réunissait en 1940 Katharine Hepburn, Cary Grant et James Stewart, n’est pas exactement le film soporifique que j’avais imaginé.

Le mérite en revient à son héroïne Grace Kelly dans un rôle assez troublant par rapport à sa propre vie. La comédienne avait déjà montré ses talents d’actrice chez Hitchcock, Zinnemann ou encore sous la direction de George Seaton pour lequel elle surprenait dans Une fille de la province, en épouse protectrice et un peu négligée empêchant, malgré elle, son mari alcoolique (Bing Crosby), de renouer avec le succès à Broadway. Un rôle qui lui valut un Oscar en 1954.

Grace Kelly succède donc à Katharine Hepburn dans le rôle d’une femme du monde – Tracy Lord – au cœur soit disant froid comme de la pierre, qui s’apprête à se marier avec un homme d’affaires ennuyeux et strict. Heureusement, son ancien mari (encore Bing Crosby), qui sait profiter de la vie, saura la reconquérir, après qu’elle ait flirtée, l’alcool aidant, avec un reporter sympathique et blasé (Frank Sinatra). Ce dernier se rendra lui-même compte de son attachement pour sa collègue et amie journaliste (Céleste Holm).

Tout est bien qui finit bien sauf pour l’antipathique prétendant, dindon de la farce renvoyé dans ses 22.

Et c’est là que le film est assez singulier car le comédien (John Lund) héritant de ce rôle un peu ingrat ressemble avec sa petite moustache au Prince Rainier que Grace Kelly s’apprête à épouser après ce tournage. Et bien dans Haute Société, il se passe exactement le contraire. Elle ouvre les yeux sur ce que risque d’être son mariage et refuse d’être la gentille épouse, bien élevée et attentionnée d’un mari un peu suffisant, jaloux et autoritaire.

Ajoutons à cela qu’elle conduit très vite dans une décapotable (ce qu’elle faisait dans La main au collet), comme attirée par la vitesse et par un destin inexorable sur des routes sinueuses.
Toujours est-il que pour sa dernière apparition au cinéma, Grace Kelly se lâche davantage, son rôle le permettant, et compose un personnage tour à tour cynique, drôle, revêche et mélancolique. Sa beauté n’en est que plus rayonnante, notamment dans la longue séquence autour de la piscine.

Comédie musicale oblige, Louis Armstrong invité à la noce, nous régale de sa présence ouvre et ferme généreusement le film. Son duo avec Bing Crosby est également un bon moment, ainsi que les autres chansons, y compris celles plutôt discrètes de Sinatra, qui ne ralentissent pas trop l’action. (Mais dont on n’aurait pu se passer quand même).


Bien que sans éclat dans sa mise en scène, Haute Société est plutôt plaisant et intéressant à voir en considérant que Grace Kelly y a peut-être – consciemment ou non – enterré une partie d’elle-même en plus de sa carrière de comédienne.

« Les trésors de Marcel Pagnol » de Fabien Béziat

« Les trésors de Marcel Pagnol »
Réalisation : Fabien Béziat
Replay TV5 Monde
par Céline Recchia

L’aventure tant industrielle qu’artistique de Marcel Pagnol dans le cinéma français
En deux mots : A VOIR !
En plus de mots : En préalable, je voudrais confesser que, bien que très attachée à l’univers de Pagnol, en particulier pour sa trilogie maintes et maintes fois revue à la télévision depuis mon enfance, je me faisais de lui une idée très en deçà de celle que le documentaire nous permet heureusement de découvrir.

Mais avant trop de compliments, quelques égratignures d’Henri Jeanson à propos de son ami Pagnol, dont il dit qu’ « il n’a qu’un défaut » : il aime trop ses amis. « Il ne supporte pas de les voir souffrir. Quand on est malheureux, quand on souffre, il disparaît. (…). Actuellement je suis très heureux, je me porte à merveille. Mais il y a deux ans que je ne l’ai pas vu. Il doit me croire au seuil de l’agonie ». Ambiance…Il rend hommage à sa plume subtile et classique, mais à propos de Marseille, Jeanson écrit : « Tous ses personnages sont de braves types. Ils appartiennent à un Marseille sans gangsters et sans politiciens. ».

On entend bien sûr le point de vue de Jeanson, mais, et revenons-en au documentaire qui constate que pour Pagnol c’est « un Marseille suspendu au bord du temps, comme ses bateaux miniatures qui voguent éternellement enfermés dans des bouteilles. Un Marseille immuable vu à travers les yeux d’un enfant. ».

Et l’on découvre un jeune homme talentueux et très ambitieux. Fondateur avec d’autres camarades de la revue « Les Cahiers du Sud », s’efforçant après la Première Guerre mondiale de développer ses talents d’inventeurs – il déposera « des dizaines de brevets » – il parvient, étant devenu enseignant, à se faire nommer à Paris où il deviendra professeur d’anglais au lycée Condorcet. A Paris, il entrevoie sa route. Son ami d’enfance Paul Nivoix y est critique littéraire, il lui permettra de pénétrer le milieu du théâtre et du music-hall, aide précieuse durant ces années de vache enragée.

J’avais comme beaucoup, une vision tronquée de Pagnol. Si je voyais bien la gravité pour l’époque des sujets abordés dans ses films, j’ignorais le culot dont il a fait preuve, par exemple avec son premier succès au théâtre, écrit avec Paul Nivoix, « Les Marchands de Gloire », « pièce qui éreinte l’hypocrisie des va-t-en guerre et de l’armée », et puis le retentissement de « Topaze », toujours au théâtre, et qui lui apportera la fortune. On apprend que « Topaze » fera l’objet de neuf adaptations au cinéma !

Ce que l’on ne mesure pas toujours non plus c’est l’importance primordiale que Pagnol a eu sur les carrière de Raimu et de Fernandel. Fernandel lui-même nous apprend que Pagnol a su résister à ceux qui lui déconseillaient de le faire tourner, au motif que Fernandel « avili tout ce qu’il touche »…! Ce choix de Fernandel, il a même dû le défendre face à Giono.

Et Pagnol a même résisté à Raimu lorsque celui-ci voulait le décourager absolument d’engager Pierre Fresnay, au motif qu’un Alsacien ne peut pas jouer un Marseillais avec un accent d’importation !

Je profite de cette anecdote pour vous signaler un entretien entre Bernard Blier et Philippe Bouvard, entretien où Bernard Blier cite brièvement cette divergence, mais qui vous fera découvrir la rencontre Blier-Raimu et bien d’autres anecdotes là aussi.Ce documentaire donne à voir l’audace de Pagnol en matière cinématographique.

L’audace tout d’abord de Pagnol lors de l’arrivée du cinéma parlant. Pagnol appui sur le caractère universel qu’avaient les films muets, cependant, prédisant un avenir certain au cinéma parlant, il se met à dos ses amis du théâtre comme ceux du cinéma. René Clair en témoigne : « Nous nous sommes insultés, nous n’avons pas arrêté ! », cela se faisant par voix de presse, car, dit-il encore : « J’ai toujours été incapable de discuter avec Marcel parce que dès que je le vois il me charme, alors j’abandonne toutes mes théories ! » (d’ailleurs Fernandel dit lui même « mais on ne se fâche pas avec Pagnol…avec Pagnol on est toujours ami ou on est toujours fâché ! »).

Preuve de l’avenir assuré du parlant, la construction en banlieue Est de Paris des studios de la Paramount, outils de production industrielle des films parlants. C’est la Paramount qui proposera à Pagnol l’adaptation à l’écran de « Marius ». Pagnol bataillera pour que les comédiens de la pièce soient ceux qui interpréteront le film. La production cède mais impose le réalisateur qui sera Alexandre Korda. Preuve de cette force de frappe industrielle, on rappelle que les trois versions tournées en simultanées par trois équipes : la version française, la version suédoise, et la version allemande, chose classique – courante – à l’époque pour les grands studios.

Mais Alexandre Korda n’ayant en fait jamais tourné de film parlant, il propose à Pagnol de partager le travail, lui s’occupant de la photographie, et Pagnol des acteurs. Ainsi furent faits les premiers pas de Pagnol au cinéma.

Pagnol peaufine sa connaissance du cinéma dans tous ses aspects. Et fort du succès public reçu par « Marius », et pour lequel il avait avantageusement négocié avec la Paramount, il lance sa société « Les films Marcel Pagnol ».

Au fur et à mesure du temps : il crée une revue de cinéma « Les cahiers du Film » pour répondre à ses détracteurs sur sa soit-disant méconnaissance du cinéma, revue traitant également de techniques cinématographiques, fonde ses studios, sans parler de la création d’agences de distribution.

Le documentaire donne à voir une véritable aventure cinématographique, pas toujours heureuse certes, mais il faut reconnaître à Pagnol le flair pour les acteurs donc, un travail titanesque – par exemple lorsque, avec son équipe il entreprend de façonner le mont du terrain situé sur les 90 hectares achetés dans le Vallon de Marcellin pour les tournages d’« Angèle » et de « Regain », par exemple lorsqu’ils construisent « en dur » un village entier, qui plus est, en ruine… Rosselini aurait dit à Pagnol qu’il aurait inventé le néo-réalisme italien avec le film « Joffroy », qui donnera envie à Rosselini de faire du cinéma. Il a quand même quelques alliés dans le métiers, et pas des moindre, et notamment outre Atlantique, quand la profession en France l’étrille avec pugnacité : «une caméra placée dans le trou du souffleur », « du théâtre en conserve », etc…

L’audace, jusqu’au projet fou des 40 hectares du domaine de la Buzine, domaine étroitement lié à son enfance, et racheté pour y installer la Cité du cinéma, pour en « faire un véritable Hollywood en Provence ». Mais la seconde Guerre Mondiale ne permettra pas l’aboutissement du projet. Pagnol peut enclin aux arrangements avec l’occupant détruit son dernier film d’alors « La Prière aux étoiles » lorsque les autorités de l’époque exige de lui que son film entre dans le système cinématographique passé sous le giron allemand. On apprend qu’il vend l’ensemble de ses studios à la Gaumont lorsque ces mêmes autorités lui font comprendre qu’il ne pourra pas continuer de façon indépendante. Et puis, il sera l’un des premier à utiliser le procédé français Rouxcolor, dans un film plus que…surprenant… surtout à la suite de son entrée à l’Académie Française… une adaptation de « La Belle Meunière » avec Tino Rossi… !

Cœur de verre (Herz aus Glas) de Werner Herzog (1976) – Critique proposée par J-F Burgos

Coeur de verre : la fracture technologique.

En Bavière au XVIIIème siècle, un maître verrier décède, il emporte avec lui le secret de fabrication qui permet la réalisation du verre-rubis, inégalée de part le monde. Toute la société du bourg repose sur cette industrie. Désespérément l’ensemble des ouvriers de la verrerie se mobilise pour retrouver ce savoir faire. Le maître du village, un aristocrate, va avoir recours à l’enquête et à la divination afin de tenter la perpétuation de ce qui fait la richesse des lieux.

Par ce film, de 1976, Werner Herzog nous transporte dans un monde étrange et déliquescent que la peur envahit peu à peu. Pour ce faire, le réalisateur ‘d’Aguirre’, de ‘l’énigme de Kaspar Hauser’, de ‘Nosferatu’, va investir l’image comme forme picturale romantique face à la forme narrative de la société en rupture.

Werner Herzog souligne souvent, qu’en tant que cinéaste, il lui manque la génération des pairs, au sens de la filière cinématographique et des pères au sens civil. Il dénonce, de ce fait, la période nazie ayant en quelque sorte créé une béance dans la filiation cinématographique allemande. Son film, ‘Nosferatu’, nous renvoie vers Murnau et devient l’objet d’une continuité hypothétique. ‘Coeur de verre’, qui précède Nosferatu, ne vient pas combler un manque, mais plutôt le dénoncer. Le réalisateur désire montrer les mécanismes qui sont à l’origine de ce manque. L’effritement inéluctable de la société qu’il expose s’appuie sur la stricte séparation des rôles sociaux, les habitants semblent vivre les uns à côté des autres sans jamais se rencontrer. Les ouvriers veulent retrouver, par l’expérimentation, le savoir faire perdu. L’aristocrate, pétri d’une culture de caste, se croyant dans une tragédie grecque, va faire appel au Thirésias local (Hias). Ce dernier sera l’annonciateur de l’enchaînement des catastrophes pour les uns et les autres, sauf pour lui-même. Le valet de l’aristocrate sera dans l’absolu accomplissement de son emploi, n’exerçant aucune censure morale devant les actions criminelles de son maître. La servante apeurée n’arrivera pas à échapper à son destin de dominée. Seule la taverne semble échapper à la disparition, en tant que le dernier espace d’un exutoire maintenant le peuple dans une habitude artificielle.

La plastique du film se situe après une période baroque, comme expression opulente de la puissance des dominants, des princes souverains et d’une église, directrice quotidienne de l’âme humaine. Werner Herzog nous place immédiatement dans ce moment de basculement esthétique annonciateur du romantisme allemand. Le film débute par une exposition appuyée des paysages bavarois à la façon de Kaspar David Friedrich. Ainsi, peut-on penser que la domination de l’homme sur lui-même étant aboutie, il lui faut, maintenant, poser le regard sur une nature encore sauvage qu’il va falloir dominer, à l’image du ‘Voyageur contemplant une mer de nuages’.

Ce tableau place le ‘regardant’ du tableau dans le rôle impératif de spectateur, il doit rester en dehors de la toile, c’est une volonté manifeste du peintre. Werner Herzog semble adopter ce principe. Il veut nous détacher de toute appropriation de l’énoncé pouvant troubler notre temps et notre lieu pendant la projection du film. Il nous faut rester en regard de l’image projetée.

Il est dit, du film, que Werner Herzog aurait hypnotisé ses acteurs. Il nous impose des paroles et des gestuelles qui semblent nous conduire hors du sens des textes et des actions. Ainsi, un joueur de cartes donne l’impression de se déplacer comme s’il était guidé par les cartes qu’il porte dans les mains. A l’inverse, les scènes de taverne sont à l’image de la peinture allemande profane, elles nous apparaissent plus familières, les références à Günther Matthäus ou Johann Liss sont probablement proches.

Il se dégage, alors, du film une distance induite à l’égard de la recherche de compréhension et, de ce fait, se révèle à nous une étrangeté inhabituelle à l’écran.

L’imbrication, si soigneusement construite par Werner Herzog, pour mêler ses intentions picturales et narratives et pour tenter de nous mettre à distance, montre une volonté voire une obsession à nous alerter sur notre monde contemporain.

Ne peut-on mettre en regard cette évolution industrielle du XVIIIème, en échec, avec le retour d’une ère nucléaire, bien en peine à réaliser de nouveau son évolution, comme une sorte d’incapacité à faire ce que nos pairs ont assuré. Si la faillite de ces redoutables procédés, dits innovants, reste rare, ils sont néanmoins cataclysmiques pour des territoires condamnés, où l’homme n’a plus sa place. Cette évasion est évoquée par Werner Herzog par la parabole du voyage en mer dans le film. L’obsolescence de l’homme se réalise ici par l’obligation de fuir, alors qu’il est sensé produire des contenus qui lui sont destinés. Ainsi, selon Günther Anders, lorsqu’il y a coïncidence entre la vie intérieure avec les contenus produits :

L’homme n’a plus besoin et ne peut plus avoir besoin que de ce qu’on l’oblige à prendre ;

L’homme ne pense plus et ne peut plus penser que ce qui lui est destiné ;

L’homme ne fait plus et ne peut plus faire que ce qu’on l’oblige à faire ;

L’homme ne ressent plus et ne peut plus ressentir que ce qu’on exige qu’il ressente.

Pour Anders, la coïncidence entre la vie intérieure et les contenus produits réalise le système conformiste.

A voir et revoir.