Haute Société –  Charles Walters (1956) vu par Michel Senna 

Le confinement amène parfois à entreprendre des choses que l’on ne pensait jamais faire comme regarder « Haute société » de Charles Walters que je m’étais toujours refuser de voir de peur de m’ennuyer furieusement avec un film très formaté et de surcroît chanté, ce qui est loin de me ravir.

Force est de constater que ce remake très coloré d’Indiscrétions excellente comédie de mœurs de George Cukor qui réunissait en 1940 Katharine Hepburn, Cary Grant et James Stewart, n’est pas exactement le film soporifique que j’avais imaginé.

Le mérite en revient à son héroïne Grace Kelly dans un rôle assez troublant par rapport à sa propre vie. La comédienne avait déjà montré ses talents d’actrice chez Hitchcock, Zinnemann ou encore sous la direction de George Seaton pour lequel elle surprenait dans Une fille de la province, en épouse protectrice et un peu négligée empêchant, malgré elle, son mari alcoolique (Bing Crosby), de renouer avec le succès à Broadway. Un rôle qui lui valut un Oscar en 1954.

Grace Kelly succède donc à Katharine Hepburn dans le rôle d’une femme du monde – Tracy Lord – au cœur soit disant froid comme de la pierre, qui s’apprête à se marier avec un homme d’affaires ennuyeux et strict. Heureusement, son ancien mari (encore Bing Crosby), qui sait profiter de la vie, saura la reconquérir, après qu’elle ait flirtée, l’alcool aidant, avec un reporter sympathique et blasé (Frank Sinatra). Ce dernier se rendra lui-même compte de son attachement pour sa collègue et amie journaliste (Céleste Holm).

Tout est bien qui finit bien sauf pour l’antipathique prétendant, dindon de la farce renvoyé dans ses 22.

Et c’est là que le film est assez singulier car le comédien (John Lund) héritant de ce rôle un peu ingrat ressemble avec sa petite moustache au Prince Rainier que Grace Kelly s’apprête à épouser après ce tournage. Et bien dans Haute Société, il se passe exactement le contraire. Elle ouvre les yeux sur ce que risque d’être son mariage et refuse d’être la gentille épouse, bien élevée et attentionnée d’un mari un peu suffisant, jaloux et autoritaire.

Ajoutons à cela qu’elle conduit très vite dans une décapotable (ce qu’elle faisait dans La main au collet), comme attirée par la vitesse et par un destin inexorable sur des routes sinueuses.
Toujours est-il que pour sa dernière apparition au cinéma, Grace Kelly se lâche davantage, son rôle le permettant, et compose un personnage tour à tour cynique, drôle, revêche et mélancolique. Sa beauté n’en est que plus rayonnante, notamment dans la longue séquence autour de la piscine.

Comédie musicale oblige, Louis Armstrong invité à la noce, nous régale de sa présence ouvre et ferme généreusement le film. Son duo avec Bing Crosby est également un bon moment, ainsi que les autres chansons, y compris celles plutôt discrètes de Sinatra, qui ne ralentissent pas trop l’action. (Mais dont on n’aurait pu se passer quand même).


Bien que sans éclat dans sa mise en scène, Haute Société est plutôt plaisant et intéressant à voir en considérant que Grace Kelly y a peut-être – consciemment ou non – enterré une partie d’elle-même en plus de sa carrière de comédienne.