On ne pourra jamais reprocher aux frères Dardenne de faire des films de carte postale. Et on leur en sait gré. Ceci étant… Revoilà un décor terne, et une héroïne en quête obsessionnelle. Ici, le décor, c’est la ville de Liège (en tout cas ses coins les moins attrayants), et l’héroïne principale est une jeune médecin généraliste qui fait de sa quête une enquête pour ainsi dire policière. Incarnée par Adèle Haenel, elle croise sur sa route certains habitués de la galaxie Dardenne (Olivier Gourmet, Jérémie Rénier) et de beaux personnages plus vrais que nature. L’ensemble est loin d’être déplaisant, mais n’emballe pas pour autant.
Le docteur Jenny Davin, à la conscience professionnelle à toute épreuve, culpabilise de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune femme, qui sera retrouvée morte à proximité le lendemain. Rongée, elle se lance avec obstination à la recherche de l’identité de cette Fille inconnue. Or la culpabilité est un virus contagieux, et le seul antidote consiste à libérer la parole, et donc la vérité.
Adèle Haenel est parfaite, et on la suit, malgré les traits fermés de son personnage, à chaque plan, redoutant ses choix, craignant les menaces, éprouvant sa solitude. « Fille inconnue » à sa manière derrière sa profession, elle transmet si bien sa culpabilité qu’autour d’elle se met en place un ballet social à son tour culpabilisant, où l’idée d’un « carré des indigents » deviendrait à juste titre insupportable. On retrouve donc aussi le savoir-faire des Dardenne pour dessiner une impeccable critique sociale et morale, et diriger leurs acteurs tout aussi impeccablement. Seulement, en dépit de son rythme et de la force de certaines scènes, cette variation sur le même thème souffre peut-être d’un classicisme… maison.