Chaque cinéma maintient, tant faire se peu, le lien avec ses spectateurs. Il en est ainsi du cinéma Les Carmes à Orléans avec sa lettre hebdomadaire dont voici le dernier éditorial. Merci à Michel Ferry de nous en autoriser le partage.
« Longtemps, je suis allé au cinéma de bonne heure.
Parfois, les lumières de la salle à peine éteintes, l’émotion me gagnait si vite que je n’avais pas le temps de me dire « le film commence ». Et une heure et demie, ou plus, après, la réalisation soudaine que le générique commençait et qu’il allait bientôt falloir sortir de la salle, me sortait de mon envoûtement et je cherchais du regard le moyen de m’y replonger. Je n’avais pas cessé en regardant le film de le vivre, de m’identifier aux personnages ou à ce qu’ils vivaient, il me semblait que j’étais moi-même la Garance ou le Baptiste des Enfants du Paradis. Cette croyance, amplifiée par l’émotion que je partageais avec le public autour de moi, se prolongeait longtemps, seulement troublée par les lumières qui se rallumaient. Le film alors, se détachait de moi, j’étais libre de m’y accrocher ou pas, mais il retrouvait vie lorsque je l’évoquais avec mes voisins spectateurs ou lorsque je devinais sur leurs visages un sentiment, une émotion qu’ils partageaient avec moi… Cela faisait déjà longtemps que nous n’étions plus bercés, par le ronronnement du projecteur argentique et le battement de sa lumière, mais l’excitation de son souvenir restait la même. »
Plus de 200 jours de fermeture depuis le 14 mars 2020… Rattrapons vite le temps perdu !
Les Carmélites