Quel rythme ce Clint! La mule, son dernier film est sorti il y a un an. Il nous avait emmené dans une sorte de road-movie où un vieux monsieur transportait de la drogue pour des trafiquants mexicains.
En 2020, Clint Eastwood nous replonge en 1996, à Atlanta, théâtre d’un attentat durant les jeux olympiques. Tiré de faits réels, nous connaissons la vérité de cette affaire. Mais ce film s’attache moins à l’issue de l’enquête qui a mené à arrêter Eric Rudolph, qu’à suivre la vie de Richard Jewell qui bascule.
Richard est un gardien de la sécurité du parc où a lieu un concert. Il découvre, sous un banc, un sac à dos. Se demandant ce que contient ce sac, il donne l’alerte une première fois, sans réaction de la police. Il revient à la charge, et les forces de l’ordre découvrent que le sac contient une bombe.
Richard Jewell est victime d’un emballement, victime de l’Etat et des médias. Il devient en quelques heures après l’attentat le suspect numéro un : on apprend qu’il est dans le viseur du FBI.
On veut un coupable, très bien, ce sera lui.
Richard Jewell a toujours rêvé d’intégrer la police et place l’ordre et l’autorité au-dessus de tout.
Mais il n’est pas policier, il est agent de sécurité et a déjà été arrêté pour avoir joué les représentants de l’ordre. On s’attache à Richard, ce blanc américain un peu gros, adorant sa mère
et passionné par l’ordre et les armes, mais des armes pour chasser, attention !
On suit sa vie avant, pendant, et après l’attentat. On suit sa relation avec sa maman et son avocat, attachant lui aussi _ et interprété par Sam Rockwell qui nous avait fait rire déjà en interprétant G.W
Bush dans Vice.
Dans ce film Clint Eastwood fait ce que les scénaristes américains savent faire : traiter un fait divers, peu glorieux pour leur patrie (on pense à Spotlight, à Vice, à 0 Dark Thirty). L’injustice que subit Richard Jewell est inquiétante et on n’ose pas imaginer l’ampleur que prendrait cette affaire en 2020 avec l’impact démultiplié des réseaux sociaux.
On retrouve les singularités d’écriture de Clint Eastwood : des sujets traités avec gravité, mais avec toujours avec une pointe de folie, de fantaisie, des décalages, qui nous plongent dans l’humanité des personnages (on pense notamment à la scène de la perquisition).
L’agent du FBI, la journaliste ou encore la secrétaire de l’avocat sont ces personnages secondaires sur lesquels le spectateur peut s’appuyer pour avoir une vision plus globale des événements, une forme d’objectivation des faits.
Ce changement de focale permanent rythme le récit et permet et lui donne une dimension encore plus réaliste.
Clint Eastwood, connu pour ses positions pro-américaines, s’est aventuré sur un terrain peu glorieux pour son pays, mais a su traiter avec finesse un sujet sensible avec un Richard Jewell qui nous agace parfois mais à qui on se sent attaché.
