« Queen and Slim » de Melina Matsoukas

Une claque, voilà le premier mot qui me vient à l’esprit en sortant de la séance.
Je ne savais pas ce que j’allais voir et je ne savais pas non plus ce à quoi je devais m’attendre. En voyant les affiches dans le métro, les premières fois je pensais que c’était un concert ou alors un documentaire. En entrant dans la salle, j’ai seulement lu le synopsis: un homme, une femme, la trentaine, sortant d’un rendez-vous galant (plus précisément un date sur tinder) et roulant de nuit à travers la ville. Une arrestation par un policier, qui tourne mal. La fuite à travers le pays. Car, nous ne l’avons pas précisé, ils sont noirs, et, donc, forcément coupables. C’est road-movie à travers ce pays à la fois fascinant et révoltant.
C’est une claque oui. Tout d’abord car la photographie est magnifique. On se croirait parfois dans un clip de r’n’b, parfois on se croirait dans un Xavier Dolan, ça marche. Les lumières, durant les épisodes nocturnes en particulier, nous emmènent dans un autre monde, sans pour autant que cela artificiel, cela sert totalement le film. La réalisatrice (dont c’est le premier film), qui n’est autre que Melina Matsoukas, réalise les clips de Beyoncé, Rihanna ou encore Missy Elliott. Ensuite car les codes du road-movie sont respectés tout en amenant une certaine originalité: la musique (qui n’est pas de la country ou du rock, mais bien du r’n’b, du rap et de la soul), les arrêts, les étapes entre deux grandes traversées sont les moments où Queen & Slim se retrouvent et croisent la vie de nombreux personnages. Dans cette traversée les rôles attribués généralement aux femmes et aux hommes sont inversés: elle est la rationalité, la force vive, celle qui va de l’avant, elle est avocate et donc sait. Lui est porté par ses sentiments, une retenue et est prêt, au début, à se rendre. C’est un film qui est plus que jamais d’actualité, sur les violences policières: ils sont noirs et forcément, coupables. Ils ne fuient pas car braqueurs ou bandits mais car ils sont noirs. Tout au long du voyage on découvre une communauté prête à les aider, à les idolâtrer pour ce qu’ils représentent: les victimes d’un système d’Etat incarné par les policiers contre la communauté noire. Enfin, et il faut le dire, c’est une histoire d’amour et les définitions de l’amour, citées par les personnages, peuvent rivaliser avec les plus beaux films d’amour. On en ressort non pas grandi mais révolté et transformé par une expérience à la fois politique et esthétique.